Interprétation faussée
Des chiffres instrumentalisés sur les vaccins anti-Covid
Publié le 19.5.2023, 15:58 (CEST)
La vaccination contre le Covid-19 aurait-elle entraîné des dizaines de milliers de décès à travers l'Union européenne ? C'est en tout cas ce que l'on pourrait penser en tombant sur un tableau partagé sur les réseaux sociaux, comme ici et ici sur Facebook. D'après celui-ci, 50 503 décès post-vaccination auraient été recensés par une base de données européenne en date du 6 mai 2023. Ces chiffres concerneraient quatre des vaccins autorisés dans l'UE : ceux de Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca et Janssen (filiale de Johnson & Johnson). Certains internautes n'hésitent pas à qualifier la situation de « désastre sanitaire ». Mais est-ce bien ce que montrent ces chiffres ?
Évaluation
Non. Ces chiffres sont repris d'une base de données de l'Agence européenne des médicaments (EMA), qui regroupe des signalements d'effets secondaires possibles mais non avérés d'un médicament - dans ce cas-ci des vaccins contre le Covid-19. Les présenter de cette manière est donc trompeur.
Faits
Ce type de tableaux, qui n'a par ailleurs rien d'officiel, circule sur les réseaux sociaux depuis le début de la campagne de vaccination contre le Covid-19 dans l'UE. Les internautes reprennent la bannière et les chiffres d'une base de données authentique, celle « des rapports d’effets indésirables susceptibles d’être liés à l’utilisation de médicaments » - appelée EudraVigilance.
Cette phrase permet déjà d'établir un contexte important ; on parle ici d'effets secondaires suspectés et non pas avérés. Cependant, le reste de la présentation du tableau, ainsi que les commentaires des internautes, suggèrent à tort un état des choses préoccupant.
Or, comme l'a déjà expliqué l'EMA à de maintes reprises à la dpa, un signalement effectué via cette plateforme ne signifie pas pour autant « que le médicament ou la substance active provoque l'effet observé ou est dangereux à utiliser ».
Un avertissement similaire figure sur le site d'EudraVigilance. Les informations qui y sont contenues « concernent les effets indésirables suspectés, c'est-à-dire les événements qui ont été observés après l'administration des vaccins contre la COVID-19, mais qui ne sont pas nécessairement liés au vaccin ou causés par le vaccin. Ces événements peuvent avoir été causés par une autre maladie ou être associés à un autre médicament pris par le patient en même temps », peut-on y lire.
Les chiffres que l'on retrouve dans la base de données, y compris ceux utilisés par les internautes pour les vaccins de Pfizer/BioNTech, de Moderna, d'AstraZeneca et de Janssen (sous l’onglet « nombre de cas individuels pour une réaction sélectionnée », puis « issue fatale ») sont donc à prendre avec des pincettes. Un décès intervenu chez un patient vacciné ne signifie pas que la vaccination en est la cause.
De plus, ces chiffres peuvent contenir des doublons. Les utiliser tels qu'ils sont présentés sur EudraVigilance ne sera jamais représentatif de la situation réelle.
Un examen approfondi
Les signalements effectués sur la base de données font l'objet d'une enquête des autorités sanitaires. Depuis le lancement des vaccins jusqu’à décembre 2022, l’EMA publiait tous les mois des comptes rendus sur leur sécurité. Les évaluations de l’agence ont toujours conclu que les risques d’éventuels effets secondaires suivant la vaccination étaient bien moindres que les risques engendrés par une contamination au Covid-19.
À l’échelle de la Belgique, ces informations sont publiées par l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS). Dans son dernier compte rendu concernant les effets indésirables des vaccins anti-Covid, en novembre 2022, l’AFMPS faisait état de 297 rapports effectués via EudraVigilance signalant un décès. Parmi ceux-ci, quatre « sont considérés comme probablement liés au vaccin », et ce sur les millions de personnes ayant reçu une dose ou plus.
Un rapport qui ne prouve rien
Les internautes partagent également un rapport portant sur l’équivalent d’EudraVigilance aux États-Unis, appelé VAERS (« Vaccine Adverse Event Reporting System », en français système de notification des événements indésirables liés aux vaccins). Son auteur affirme que moins de 1 % des effets secondaires causés par les vaccins sont signalés aux autorités sanitaires américaines.
Toutefois, cette recherche n’apporte aucune preuve de la supposée dangerosité des vaccins anti-Covid avancée par certains internautes. Tout d’abord, le document – que l’on retrouve notamment sur le site de l’Agence américaine pour la recherche et la qualité des soins de santé (AHRQ) – a été publié en 2010. Il n’a donc rien à voir avec la vaccination contre le Covid-19. Il n’a pas non plus de lien avec EudraVigilance, puisqu’il visait à améliorer la qualité du système américain VAERS.
Pour finir, ce rapport ne change rien au fait que les signalements visibles sur EudraVigilance concernent des effets secondaires possibles d’un vaccin ou d’un médicament, et non pas des effets secondaires avérés.
(Situation au 19.05.2023)
Liens
Publications Facebook I et II (versions archivées I et II)
Fact-checks de la dpa I, II et III
À propos d'EudraVigilance (version archivée)
Avertissement sur EudraVigilance (version archivée)
Vaccin de Pfizer/BioNTech sur EudraVigilance (version archivée)
Vaccin de Moderna sur EudraVigilance (version archivée)
Vaccin d'AstraZeneca sur EudraVigilance (version archivée)
Vaccin de Janssen sur EudraVigilance (version archivée)
Mise à jour de sécurité des vaccins de l'EMA - 08.12.2022 (version archivée)
Aperçu des effets indésirables des vaccins de l'AFMPS - 24.11.2022 (version archivée)
Rapport au sujet de VAERS (version archivée)
À propos des fact-checks de la dpa
Ce fact-check a été rédigé dans le cadre du programme indépendant de vérification de Facebook/Meta. Plus d’informations au sujet de ce programme peuvent être trouvées ici. Pour en savoir plus sur la façon dont Facebook/Meta gère les comptes qui diffusent des informations erronées, cliquez ici.
Si vous avez des objections ou des remarques, merci de les envoyer à l'adresse factcheck-belgium@dpa.com en incluant un lien vers la publication Facebook concernée (voir le modèle à utiliser ici).
Pour plus d’informations sur la manière de soumettre une correction ou de contester une évaluation, veuillez vous référer à cette page.