Article déformé

De fausses idées sur la viande cultivée en laboratoire

Publié le 03.03.2023, 15:26 (CET)

La viande de laboratoire continue d'attiser la méfiance. Si les scientifiques conviennent que des données à long terme ne sont pas encore disponibles, ils réfutent l'idée d'un composant cancérigène.

La viande cultivée en laboratoire serait dangereuse pour la santé. C’est ce qu’affirment plusieurs utilisateurs sur Facebook, comme ici et ici. Selon eux, une nouvelle étude aurait déterminé que cet aliment, proposé comme une alternative aux protéines animales, provoquerait des cancers chez les personnes qui le consomment. Le milliardaire américain Bill Gates est notamment pointé du doigt, car il serait impliqué dans le développement de la viande concernée.

Évaluation

Jusqu’à présent, aucune étude ne prouve que la viande cultivée en laboratoire soit cancérigène. Les publications Facebook se réfèrent à un article analysant les défis qui entourent la viande de culture. Le texte précise bien que la communauté scientifique s’accorde à dire que ces produits ne peuvent pas entraîner de cancer. Quant à Bill Gates, il a investi dans au moins une entreprise du secteur, mais ce n’est pas pour autant lui qui tire les ficelles.

Faits

Cette fausse information circule sur différents sites peu fiables, comme NewsPunch – dont les affirmations erronées sont régulièrement vérifiées par la dpa. Tous font référence à un article du média américain Bloomberg, publié le 7 février 2023.

L'article ne se base pas sur une quelconque étude scientifique sur le cancer. Il évoque certaines préoccupations qui existent au sujet de la consommation de viande cultivée. Il interroge aussi le manque de données sur le long terme, puisque ces produits sont nouveaux. Mais à aucun moment il n’est avancé que la viande fabriquée en laboratoire (aussi appelée viande in vitro, cultivée ou de culture) provoque le cancer.

Pas de lien avec le cancer

La viande cultivée est fabriquée à partir de cellules souches prélevées sur un animal vivant. Elles sont ensuite placées dans un sérum spécial qui leur permet de se développer et de se reproduire, pour finalement devenir de la viande.

La partie de l’article de Bloomberg qui a été déformée par les internautes aborde la question des lignées cellulaires dites immortalisées. Il s’agit de cellules qui ont été artificiellement manipulées pour continuer à se diviser à l’infini, et qui peuvent donc proliférer indéfiniment.

Ces lignées cellulaires immortalisées sont utilisées dans la fabrication de la viande cultivée afin de pouvoir la fabriquer à une échelle suffisamment grande pour que celle-ci soit rentable, explique Bloomberg.

La difficulté selon l’article est que les lignées cellulaires immortalisées sont associées au cancer, car elles sont techniquement pré-cancéreuses, voire cancéreuses. Cette association n’aide pas à redorer l’image du public sur la viande cultivée, bien que les scientifiques conviennent que ce nouvel aliment ne peut pas causer de cancer.

Les experts interrogés par Bloomberg affirment en effet qu'il serait impossible pour les consommateurs de développer un cancer à cause de la viande cultivée, car les cellules utilisées ne sont pas humaines. Les cellules précancéreuses ou cancéreuses, issues d’animaux, ne pourraient donc pas se répliquer dans un corps humain.

Robert Weinberg, biologiste au Massachusetts Institute of Technology (MIT), déclare ainsi : « Il est essentiellement impossible pour une cellule d'une espèce de prendre pied dans les tissus d'une autre espèce (…) Donc même si l'on prélevait des cellules hautement malignes d'une vache et qu’on les buvait, je ne vois pas quel serait le problème. »

Un produit controversé

L’idée de généraliser la consommation de viande cultivée dans le futur est loin de faire l’unanimité. Si elle est présentée par certains comme une alternative durable et plus respectueuse des animaux, d’autres s’inquiètent quant à sa sécurité, et à une empreinte écologique qui ne serait pas si basse que prévu.

La viande de culture n’est pour l’instant autorisée qu’à Singapour. Différentes start-ups s’activent à exporter cette technologie ailleurs dans le monde, y compris en Suisse et dans l'Union européenne. Avant d’être jugée propre à la consommation humaine, elle doit être examinée par chaque autorité nationale compétente afin d’établir sa sécurité.

Aux États-Unis, le poulet cultivé de la société Upside Foods est en bonne voie pour recevoir le feu vert des autorités américaines, mais doit encore passer par plusieurs étapes.

La position de Bill Gates

Le co-fondateur de Microsoft, très souvent la cible de désinformation, s’est montré en faveur de la consommation de viande cultivée, pour des raisons environnementales et sociétales. Il a investi dans plusieurs compagnies ayant pour ambition de produire une alimentation plus durable, dont Upside Foods.

Cependant, rien ne prouve que le milliardaire américain soit un actionnaire majoritaire d’Upside Foods, ou de toute autre entreprise fabriquant de la viande de culture.

(Situation au 03.03.2023)

Liens

Publication Facebook 1/2 (version archivée)

Publication Facebook 2/2 (version archivée)

Article de NewsPunch (version archivée)

Fact-check de la dpa sur NewsPunch

Article de Bloomberg (version archivée)

À propos de la viande cultivée (version archivée)

Lignées cellulaires immortalisées (version archivée)

Robert Weinberg (version archivée)

Autorisation à Singapour (version archivée)

Viande cultivée en Suisse (version archivée)

Viande cultivée dans l'UE (version archivée)

Upside Foods (version archivée)

FDA sur le poulet d'Upside Foods (version archivée)

Fact-check de la dpa sur Bill Gates 1/2

Fact-check de la dpa sur Bill Gates 2/2

Bill Gates sur la viande cultivée (version archivée)

Investissements de Bill Gates (version archivée)

Bill Gates et Upside Foods (version archivée)

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