De vieilles images liées à tort aux élections brésiliennes

Au Brésil, la police civile et militaire se serait jointe aux manifestants pro-Bolsonaro qui contestent les résultats de la dernière élection présidentielle. C’est en tout cas ce qu’affirment certains internautes, images à l’appui. D’après celles-ci, des policiers auraient envahi le Congrès national brésilien début novembre 2022 afin de protester contre ce qu’ils considèrent comme une fraude électorale.

Évaluation

Les mouvements de protestation dans la vidéo ne sont pas d’actualité. Les premières images ont été filmées en 2017 lors d’une manifestation de la police brésilienne contre un plan de réforme des retraites, tandis que les autres montrent une action anti-corruption en 2016. Elles n’ont donc pas de lien avec les récentes élections.

Faits

La vidéo, partagée sur Facebook notamment, compile deux scènes. Dans la première, on voit des dizaines de personnes en uniforme de police marcher dans le couloir d’un bâtiment, en scandant et brandissant des pancartes. La deuxième montre une femme aux cheveux blonds s’exprimer de manière animée.

Un hashtag fait référence au vainqueur de l'élection présidentielle 2022, le candidat de gauche et ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, puisqu’il est écrit « Lula plus jamais ».

Un autre texte a été ajouté aux images (traduction automatique du portugais) : « La police fédérale, civile et militaire a envahi le Congrès national aujourd'hui et les médias sont restés silencieux. »

Manifestation de la police en 2017

Une recherche de ce texte en portugais permet de constater que le premier extrait de la vidéo n’est pas nouveau. La scène circule en ligne depuis plusieurs années. Elle a notamment été diffusée sur YouTube le 22 février 2017.

Cette version, sans texte ajouté, laisse voir contre quoi la police manifestait à l'époque. À 00:03, un t-shirt sur lequel il a été inscrit « PEC 2.87 », barré de rouge, est visible. Les fact-checkers du journal brésilien Estadão ont aussi remarqué que les personnes présentes dans la vidéo scandaient « La police s'arrêtera si la PEC passe ».

La PEC 287/2016 était une proposition de réforme du système des pensions, qui prévoyait un recul de l'âge minimum de la retraite, y compris pour la police. L’idée avait entraîné de vives protestations, poussant des militants à envahir le Congrès national, à Brasilia, le 8 février 2017. La Chambre des députés, qui avec le Sénat fédéral compose le Congrès national, avait d’ailleurs publié un communiqué à ce sujet.

D’autres vidéos de la manifestation sont disponibles sur les réseaux sociaux, comme ici sur Twitter. Dans celle-ci, on distingue à 00:15 un cercueil en bois appuyé contre un mur. Ce même cercueil est visible à 00:15 dans la vidéo partagée sur Facebook, ce qui suggère qu’il s’agit bien du même évènement. Ce n'est en tout cas pas une mobilisation récente liée aux élections.

Action anti-corruption en 2016

La deuxième partie de la vidéo, celle dans laquelle parle une femme blonde, est encore plus ancienne. Elle a été immortalisée dans la Chambre des députés brésilienne. On reconnaît par exemple le panneau d’affichage derrière la femme, ainsi que les tables en bois.

Cette vidéo a déjà été associée aux manifestations policières de 2017 par le passé, mais elle ne s’inscrit pourtant pas dans ce contexte. Elle montre en fait une action anti-corruption intervenue le 16 novembre 2016. Ce jour-là, quelque 50 personnes avaient pénétré dans la plénière de la Chambre des députés.

Le média brésilien G1 avait alors diffusé des images de l’évènement, dans lesquelles on distingue les mêmes personnes que dans la vidéo Facebook. La femme blonde, vêtue de noir, ainsi que celle à la chemise marron qui se tient à sa gauche, peuvent être aperçues à 02:42 dans la vidéo de G1 – de même que le drapeau avec un arc-en-ciel, à 02:20.

Les images des deux vidéos ne sont donc pas récentes, et n’ont rien à voir avec l’élection présidentielle de 2022. L’actualité politique au Brésil est sujette à beaucoup de désinformation sur les réseaux sociaux, comme l’a déjà signalé la dpa.

(Situation au 15.11.2022)