Des femmes enceintes réellement victimes d'un bombardement à Marioupol

16.03.2022, 11:42 (CET)

Un internaute publie, dans un post sur Facebook (archivé ici)daté du 11 mars 2022, plusieurs photos d'une ou de deux femmes enceintes évacuées de décombres, en Ukraine. Légende: "La femme enceinte sois disant à Marioupol une actrice …. La maternité a été vide il y a plusieur jour et elle abritais l armé Azov les Nazi quoi… (sic)" 

Evaluation

Ces affirmations sont fausses. Sur ces images, on distingue en fait deux femmes: une blogueuse ukrainienne et une autre personne. Elles étaient toutes les deux enceintes et se trouvaient bien sous les bombardements russes de la maternité de Marioupol. La seconde d'entre elles, portée sur un brancard, est décédée, ainsi que le bébé qu'elle portait. 

Faits

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, une autre guerre se joue : celle de la désinformation. Les réseaux sociaux regorgent de nombreuses fausses informations, diffusées par les deux parties au conflit.

Cette publication Facebook fait référence à l’attaque de la maternité de Marioupol (une ville portuaire située au sud-est de l’Ukraine) survenue le 9 mars 2022. Plusieurs photos sont publiées. Celles d'une femme blonde enceinte qui descend les escaliers d’un bâtiment en ruines et celle d'une autre femme, blonde également, couchée sur un brancard. D’après ce post, il s’agirait d’une seule et même femme qui aurait joué la comédie.

Ces photos ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Mais elles ont aussi été rapidement associées à des fake news.

La Russie, via des canaux officiels - par exemple le compte Twitter de son ambassade en France -, a démenti l’information. Sur un de ses tweets, l’ambassade russe de France a affirmé que ces photos étaient fausses et que des « preuves flagrantes » allaient bientôt le démontrer.

Pour elle, il s’agit tout simplement d’une mise en scène orchestrée par les autorités ukrainiennes : un modèle aurait été utilisé pour jouer plusieurs rôles de femmes enceintes. Le nom de la femme dont il est question a vite été dévoilé. Il s’agirait de Marianna Vishegirskaya, également connue sous le nom de Marianna Podgurskaya, une blogueuse ukrainienne. Pourtant, sur son compte Instagram, où elle est suivie par plus de 100.000 abonnés, on découvre qu’elle est effectivement enceinte et que plusieurs photos ont été prises récemment à Marioupol. Notamment la dernière photo qui date du 28 février 2022.

Sur les photos, deux femmes sont présentes. En plus de Marianna Vishegirskaya-Podgurskaya, il y avait bel et bien une autre femme enceinte dans les clichés pris lors du bombardement de la maternité de Marioupol. Dans une vidéo de l’Associated Press (AP) partagée par CBS Morning (une émission d’information diffusée sur la chaîne américaine CBS), on peut voir que la femme couchée sur le brancard à une blessure au niveau de l’abdomen. Marianna est, quant à elle, debout, recouverte d'une couverture.

Le texte qui accompagne la publication sous-entend que l’attaque ne s’est pas non plus déroulée dans la ville de Marioupol. Une affirmation qui est fausse et qui a déjà fait l’objet d’une vérification de la dpa en néerlandais.

Dans son post, l’internaute soutien aussi dans son commentaire que la maternité était vide depuis plusieurs jours au moment de l’attaque, et que le bâtiment était occupé par le régiment Azov (une unité militaire ultranationaliste rattachée à la garde nationale de l’Ukraine). Dans un de ses tweets, l’ambassade de Russie en France, a elle aussi affirmé que la maternité de Marioupol n’était plus opérationnelle depuis longtemps et qu’il n’y avait ni femmes ni enfants sur les lieux au moment du bombardement.

Dans cette même vidéo de l’AP, toutefois, on peut clairement apercevoir des femmes et des enfants blessés et évacués aux abords de l’établissement en ruines. Mais il y a aussi ce message sur la page Facebook de l’hôpital, datant du 2 mars 2022, sur lequel on peut lire : « Pour que l’hôpital continue de fonctionner, nous avons besoin de diesel et d’essence. » Enfin, rien ne permet de prouver à l'heure actuelle que le régiment Azov était sur place, au moment de l’attaque.

Le 14 mars 2022, l’AP a fait savoir sur son compte Twitter que la femme enceinte transportée d’urgence dans une ambulance juste après l’attaque de la maternité de Marioupol est finalement décédée. Son bébé n’a pas survécu non plus, d’après le tweet.

On peut en savoir un petit peu plus sur les conditions d’évacuation de cette jeune femme dans cet article du quotidien français Libération, qui reprend les témoignages des médecins qui ont tenté de la sauver. Mais également ici, sur le site internet du magazine d’actualité français l’Obs. De son côté, Marianna Vishegirskaya a accouché d’une petite fille quelques heures après le bombardement de la maternité.

De nombreux tweets relatifs à cette attaque (notamment un des tweets de l’ambassade russe au Royaume-Uni) ont aussi été signalés puis supprimés car, pour le réseau social, « ils violaient les règles de Twitter ».

Affirmer que des victimes sont en fait des acteurs est une technique de désinformation très utilisée en temps de guerre.

(Etat des lieux au 15/03/22)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Tweet à propos des preuves (version archivée)

Présentation de Marianna Vishegirskaya-Podgurskaya (version archivée)

Instagram de Marianna Vishegirskaya-Podgurskaya (version archivée)

Post de Marianna Vishegirskaya-Podgurskaya (version archivée)

Vidéo CBS Morning (version archivée)

Fact-check dpa

Explications armée Azov (version archivée)

Tweet au sujet des femmes et enfants (version archivée)

Message Facebook hôpital (version archivée)

Tweet sur le décès de la femme enceinte (version archivée)

Article Libération (version archivée)

Article l’Obs (version archivée)

Photo de mère et fille (version archivée)

Contactez l’équipe de vérification des faits de la dpa : factcheck-switzerland@dpa.com