Une proposition de résolution européenne qui manque de contexte

10.11.2021, 16:22 (CET)

Une proposition de résolution d’une députée européenne, sur la création d'un « Fonds d'indemnisation des victimes » des vaccins contre le Covid-19, a fait beaucoup parler d’elle sur les réseaux sociaux depuis sa publication. Sur Facebook par exemple, une internaute partage une capture d’écran du document et s’interroge : « C’est un aveu ça non ? » (archivé ici).

Évaluation

La proposition de résolution est bien réelle. Toutefois, elle peut difficilement être qualifiée « d'aveu ». Les chiffres qui y sont présentés comme des effets secondaires des vaccins contre le Covid-19 nécessitent une remise en contexte.

Faits

La proposition de résolution concernée porte sur la « création d’un Fonds européen d’indemnisation des victimes des vaccins contre la COVID-19 », à savoir les quatre vaccins approuvés par l’Union européenne : Comirnaty (de Pfizer/BioNTech), Spikevax (de Moderna), Vaxzevria (d'AstraZeneca) et Janssen (de Johnson & Johnson). Elle a été déposée auprès du Parlement européen par la Française Virginie Joron, députée européenne et membre du parti de droite radicale Rassemblement national.

Dans sa proposition, qui date du 23 septembre 2021, la députée recense le nombre de cas d’effets indésirables répertoriés par l’Agence européenne des médicaments (EMA) suite à l’administration d’un de ces vaccins. Elle présente ensuite les chiffres comptabilisés par vaccin, ainsi que les cas qui se sont conclus par une « issue fatale ». Pour ces raisons, elle demande à la Commission européenne de créer un fonds d’indemnisation pour les victimes.

Le problème, c’est que ces chiffres font l’objet d’une mauvaise interprétation. Il est important de savoir que les cas recensés sur la base de données de l’EMA « concernent des effets secondaires suspectés, c'est-à-dire des événements médicaux qui ont été observés après l'administration des vaccins contre le Covid-19, mais qui ne sont pas nécessairement liés ou causés par le vaccin. Ces événements peuvent avoir été causés par une autre maladie ou être associés à un autre médicament pris par le patient en même temps ».

Virginie Joron reprend donc les chiffres de l’EMA mais omet de préciser qu’il s’agit d’effets secondaires suspectés et non avérés des vaccins. L'agence de presse allemande dpa (Deutsche Presse-Agentur) a déjà mis en garde contre ce phénomène.

En outre, les chiffres de la base de données peuvent receler des doublons, car ils reflètent à la fois les signalements soumis par les autorités nationales compétentes et les compagnies pharmaceutiques. Si l’on se base sur les mises à jour de sécurité des vaccins de l’EMA, les chiffres sont généralement revus à la baisse.

Par exemple, en date du 30 septembre 2021, on compte 665 707 rapports d'effets secondaires suspectés dans les pays de l'Espace économique européen – qui rassemble l'Union européenne, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein – pour près de 563 millions de doses de vaccins administrées. On est donc loin du million évoqué par Virginie Joron. Et, de nouveau, ces cas concernent des évènements médicaux qui ont été observés après une vaccination mais ne sont pas forcément liés ou causés par le vaccin.

De plus, le nombre de cas listés comme « issue fatale » par groupe de réaction ne représentera jamais le nombre total de cas fatal, prévient l’EMA, car « un cas individuel peut contenir plus d'un effet secondaire suspecté » et par conséquent être répertorié plusieurs fois.

En Suisse, c’est l’Institut des produits thérapeutiques Swissmedic qui est chargé de communiquer des mises à jour sur les déclarations d’effets indésirables présumés des vaccins contre le Covid-19.

On ignore pour le moment s’il sera donné suite à la proposition de Virginie Joron ou non. Une telle proposition ne constitue pas un plan concret et n’équivaut pas à une décision d’un organisme européen. Tout député peut déposer une proposition de résolution auprès du Parlement européen. Si une proposition remplit les conditions liées au règlement intérieur du Parlement, le président de celui-ci en fait l’annonce lors d’une séance plénière et la transmet à la commission compétente.

Ce fut le cas le 21 octobre 2021 pour la proposition de Virginie Joron, qui a été transmise à la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement. Cependant, la commission est libre de « décider de ne pas donner suite à la proposition de résolution », selon le règlement du Parlement.

(État des lieux au 10/11/2021)

Liens

Publication Facebook (archivé)

Proposition de résolution (archivé)

Virginie Joron (archivé)

Avertissement de la base de données (archivé)

Fact-check de la dpa

Mise à jour de l’EMA sur la sécurité des vaccins (archivé)

Mise à jour de Swissmedic sur les effets présumés des vaccins (archivé)

Règlement sur les propositions de résolution (archivé)

Renvoi de la proposition de Virgine Joron (archivé)

ENVI (archivé)

Contactez l’équipe de vérification des faits de la dpa : factcheck-switzerland@dpa.com