Un décret sur l'hydroxychloroquine en France qui n’est plus en vigueur

22.10.2021, 10:50 (CEST)

Un décret en France autoriserait les personnes ayant un accès aux hôpitaux militaires, à savoir l’armée et les politiques, à se soigner avec de l'hydroxychloroquine en cas d’infection au Covid-19. Et ce alors que l’utilisation du médicament dans ce cadre serait interdite pour le reste de la population française, dénonce un post Facebook (archivé ici).

Évaluation

Il s’agit d’une fake news qui circule depuis plus d’un an sur les réseaux sociaux. Le décret sur lequel se base la publication Facebook n’est plus en vigueur depuis mai 2020.

Faits

Le ministre français de la Santé, Olivier Véran, avait annoncé le 23 mars 2020 la publication d’un décret encadrant l’utilisation de l’hydroxychloroquine chez des patients atteints du Covid-19. Ce décret prévoyait que le médicament pouvait être administré, à titre dérogatoire, uniquement à des personnes hospitalisées souffrant de formes graves de la maladie, sur décision collégiale des médecins et sous surveillance médicale stricte. L’hydroxychloroquine est habituellement prescrite dans le traitement de la malaria et de certaines maladies auto-immunes.

C’est ce décret, abrogé depuis, qui est repris dans la publication Facebook. « L'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe », selon le texte.

Un autre passage du décret avait alors créé la confusion : « Pour l'application du présent article, sont considérés comme établissements de santé les hôpitaux des armées, l'Institution nationale des Invalides et les structures médicales opérationnelles relevant du ministre de la défense déployées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. »

Seulement, cela ne signifiait pas que l’hydroxychloroquine était exclusivement réservée à l’armée et aux politiques, comme l’avait notamment signalé l’AFP à l'époque. Le ministère de la Santé l'avait également confirmé auprès de France Info.

Ce que la publication Facebook ne précise pas non plus, c'est que ce décret n'est plus en vigueur aujourd'hui. Il a été abrogé à peine deux mois après sa parution, suite à un avis défavorable du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) – les données disponibles ne permettant pas de prouver un quelconque bénéfice de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19, et faisant même état d'un risque de toxicité cardiaque. « (…) que ce soit en ville ou à l’hôpital, cette molécule ne doit pas être prescrite pour les patients atteints de Covid-19 », a fait savoir le ministère de la Santé dans un communiqué le 27 mai 2020.

Cependant, l’abrogation du décret ne supprime pas la liberté de prescription des médecins prévue en France, expliquait la Direction générale de la santé à Libération en juillet de la même année. L'hydroxychloroquine peut être prescrite dans le cadre de son autorisation de mise sur le marché (AMM), c’est-à-dire pour traiter des maladies comme le lupus érythémateux ou la polyarthrite rhumatoïde, mais aussi hors AMM sous certaines conditions, en vertu de cette liberté de prescription. Mais, poursuit Libération, le médecin engagerait alors sa responsabilité personnelle, notamment pénale, en sachant que les données actuelles ne montrent aucun bénéfice de ce traitement contre le Covid-19 et que celui-ci reste contre-indiqué par les autorités.

L’utilisation de l’hydroxychloroquine, un dérivé de la chloroquine, pour traiter le Covid-19 fait régulièrement débat. Pour l’instant, ce médicament n’a pas prouvé avoir un effet bénéfique dans le traitement de la maladie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne recommande d’ailleurs pas l’hydroxychloroquine en tant que traitement contre le Covid-19. En juin 2020, elle a mis un terme à un essai clinique testant l’hydroxychloroquine et l’association des antiviraux lopinavir/ritonavir comme traitements potentiels du Covid-19, face à des premiers résultats non concluants.

En Suisse, l’hydroxychloroquine a été prescrite dans certains cas à des patients atteints de formes graves du Covid-19 au début de la pandémie, alors que les vaccins n’étaient pas encore disponibles. Son utilisation dans le traitement du Covid-19 a depuis été déconseillée par les Hôpitaux universitaires de Genève, après que différents essais cliniques n’ont pas permis de démontrer l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans ce cadre. L'Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic a lui mis en garde contre le risque d’effets secondaires dès avril 2020. L’autorisation de distribution temporaire de l’hydroxychloroquine pour lutter contre le Covid-19 s’est ensuite terminée le 31 décembre 2020.

(État des lieux au 21/10/2021)

Liens

Publication Facebook (archivé)

Décret sur l’hydroxychloroquine (archivé)

Au sujet de l’hydroxychloroquine (archivé)

Fact-check de l’AFP (archivé)

Fact-check de France Info (archivé)

Article du Monde sur l’hydroxychloroquine et le Covid-19 (archivé)

Avis du HCSP sur l’hydroxychloroquine (archivé)

Communiqué du ministère de la Santé sur l’hydroxychloroquine (archivé)

Sur la liberté de prescription des médecins en France (archivé)

Libération sur la prescription de l’hydroxychloroquine (archivé)

L’OMS sur l’hydroxychloroquine (archivé)

L’OMS sur l’arrêt d’un essai clinique lié à l’hydroxychloroquine (archivé)

RTS sur l’hydroxychloroquine en Suisse (archivé)

Hôpitaux universitaires de Genève - hydroxychloroquine et Covid-19 (archivé)

RTS sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine (archivé)

Swissmedic sur les risques d’effets secondaires de l’hydroxychloroquine (archivé)

Swissmedic sur la distribution de l’hydroxychloroquine en Suisse (archivé)

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