Une comparaison hasardeuse entre la grippe et le Covid-19

24.08.2021, 11:58 (CEST)

La grippe aurait tué « beaucoup plus de monde » que le Covid-19, avance un utilisateur sur Facebook (archivé ici). Pourtant, pas d’obligation vaccinale, de port du masque, de confinement ou de passe sanitaire pour la grippe, dénonce-t-il.

Évaluation

Actuellement, le Covid-19 s’affiche comme plus meurtrier que la grippe saisonnière. S’il est vrai que d’autres pandémies de grippes dans notre histoire ont causé plus de décès que le Covid-19 jusqu’ici, comme la grippe « espagnole » de 1918-1919, il est hasardeux de comparer des crises sanitaires intervenues à un siècle de différence.

Faits

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les épidémies de grippe saisonnière sont responsables chaque année d’environ 290 000 à 650 000 décès dans le monde. En comparaison, l’organisation a recensé plus de 4,4 millions de morts attribuées au Covid-19 au niveau mondial depuis le début de la pandémie fin décembre 2019. Sur l’année 2020 seulement, le nombre de décès signalés et attribués à la maladie s’est élevé à 1 813 188 million, selon l’OMS, qui évoque cependant une surmortalité évaluée à au moins 3 millions.

La mortalité liée au Covid-19 semble donc plus élevée que pour la grippe, en particulier la grippe saisonnière, souligne l’OMS. « Les données dont nous disposons à ce jour indiquent que le taux brut de mortalité (le nombre de décès notifiés divisé par le nombre de cas notifiés) est de 3% à 4%, tandis que le taux de mortalité dû à l’infection (le nombre de décès notifiés divisé par le nombre d’infections) sera plus faible. Pour la grippe saisonnière, la mortalité est généralement inférieure à 0,1% », écrit l’agence onusienne.

Une tendance qui se vérifie également en Suisse. À l’échelle nationale, les autorités sanitaires estiment qu’au minimum 400 décès sont dus à la grippe saisonnière chaque année, et que leur nombre peut dépasser le millier lors d’épidémies de grande ampleur. En 2018, année des derniers chiffres communiqués, l’Office fédéral de la statistique a comptabilisé 321 décès pour lesquels la grippe a été identifiée comme cause principale (178 femmes et 143 hommes). Du 24 février au 31 décembre 2020, l’Office fédéral de la santé publique a enregistré 7 587 personnes décédées avec une infection au Covid-19 confirmée en laboratoire.

Comparons désormais la pandémie de Covid-19 à d’autres pandémies de grippes dues à l’apparition de nouveaux virus – et donc pas de types saisonnières. Trois grandes épidémies de grippes ont eu lieu au XXe siècle : la grippe « espagnole » de 1918-1919, la grippe « asiatique » de 1957-1958 et la grippe « de Hong Kong » de 1968-1969. La première, la plus dévastatrice, a provoqué la mort de 20 à 50 millions de personnes dans le monde, selon l’OMS. Les deux autres ont chacune engendré entre 1 et 4 millions de décès. Au XXIe siècle, la pandémie de grippe de 2009-2010 a elle causé entre 100 000 et 400 000 morts à travers le globe.

La grippe « espagnole » apparaît ainsi plus meurtrière que le Covid-19 jusqu’à présent. Se lancer dans des parallèles entre des pandémies distinctes, surtout à un siècle de différence, n’est toutefois pas forcément pertinent. De nombreux facteurs, comme les conditions de vie de l’époque, sont à prendre en compte. La grippe de 1918-1919 s’est propagée alors que les populations étaient affaiblies par la Première Guerre mondiale, dans un contexte économique, social et sanitaire bien différent, notent RTS et Swissinfo. Les connaissances médicales et les systèmes de santé étaient également bien moins développés qu’aujourd’hui. De manière générale, l’espérance de vie est plus élevée qu’il y a 100 ans.

En outre, il existe plus de similitudes dans la gestion de la grippe « espagnole » et du Covid-19 en Suisse que ne le laisse entendre la publication Facebook. C’est en tout cas ce que montre une étude menée par une équipe de chercheurs suisses et canadiens. Restriction des réunions, fermeture des théâtres, des cinémas et des écoles : des mesures prises en 1918 qui font écho à la situation actuelle. Pour les auteurs de l’étude, c’est justement un assouplissement trop précipité des restrictions qui a favorisé l’émergence d’une deuxième vague, plus meurtrière que la première.

Notons par ailleurs que la vaccination contre le Covid-19 n’est pour l'instant pas obligatoire en Suisse, même si la Confédération, les cantons et les hôpitaux ont légalement le droit le prendre certaines mesures pour protéger les personnes vulnérables. Si la vaccination obligatoire pour les soignants, à l’instar de la France, n’est pas à l’ordre du jour pour le moment, le personnel soignant non vacciné à Genève doit par exemple désormais se soumettre à des tests de dépistage.

(État des lieux au 24/08/2021)

Liens

Publication Facebook (archivé)

L’OMS sur la grippe (archivé)

Bilan Covid-19 OMS (archivé)

Décès attribués au Covid-19 en 2020 (archivé)

Les différences entre le Covid-19 et la grippe selon l’OMS (archivé)

La grippe en Suisse (archivé)

Décès dus à la grippe en Suisse chez les femmes en 2018

Décès dus à la grippe en Suisse chez les hommes en 2018

Décès liés au Covid-19 en Suisse (archivé)

Historique des pandémies de grippes (archivé)

Sur les grandes pandémies de grippes (archivé)

Article RTS sur le Covid-19 et la grippe « espagnole » (archivé)

Article Swissinfo sur le Covid-19 et la grippe « espagnole » (archivé)

Sur l’espérance de vie en Suisse (archivé)

Étude sur la gestion de la grippe « espagnole » et du Covid-19 (archivé)

Article de 24 Heures autour de l’étude (archivé)

Article du Temps autour de l’étude (archivé)

Sur l’obligation vaccinale en Suisse (archivé)

Sur la vaccination des soignants en Suisse (archivé)

Sur les tests des soignants non vaccinés à Genève (archivé)

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