Une étude montre que 12,6% de femmes vaccinées ont fait une fausse couche, un taux dans la moyenne

02.08.2021, 17:02 (CEST)

Les femmes enceintes qui se font vacciner contre le Covid-19 au cours de leur premier ou deuxième trimestre auraient un taux d’avortement spontané, ou fausse couche, de 82%, met en garde un internaute sur Facebook (archivé ici). Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine révèlerait que la vaccination contre le Covid-19 provoque une fausse couche chez quatre femmes sur cinq lorsque les vaccins sont administrés au cours des 20 premières semaines de grossesse, continue un article partagé par l’utilisateur.

Évaluation

Ces affirmations sont fausses. Parmi les femmes qui ont participé à l’étude du New England Journal of Medicine (NEJM) et ont eu une grossesse dite « finalisée », 12,6% ont fait une fausse couche. Il s’agit d’un pourcentage qui se situe dans la moyenne globale. L’étude ne fait d’ailleurs état d’aucun danger pour les femmes enceintes qui se font vacciner contre le Covid-19, ni pour leurs bébés.

Faits

Ces conclusions erronées se basent sur une étude publiée le 21 avril 2021 dans la revue médicale américaine The New England Journal of Medicine, qui examine la sécurité des vaccins à ARN messager contre le Covid-19 chez les femmes enceintes. L’étude utilise les données de divers systèmes américains de surveillance de la sécurité des vaccins, dont le VAERS et le registre de grossesse v-safe.

Via ce dernier registre, les données de 3.958 participantes enceintes ayant reçu une dose des vaccins Pfizer/BioNTech ou Moderna entre le 14 décembre 2020 et le 28 février 2021 ont été analysées. Parmi celles-ci, 827 ont eu une grossesse « finalisée ». Les auteurs incluent dans cette catégorie les naissances viables, les fausses couches, les avortements et les bébés mort-nés. Ce groupe constitue donc la base des pourcentages suivants. Sur ces 827 grossesses, 712 (86,1%) se sont terminées par une naissance viable. Les femmes restantes, soit 115 (13,9%), ont perdu leur bébé. Mais ce groupe ne reprend pas seulement les fausses couches. Une femme (0,1%) a ainsi eu un enfant mort-né. Dix cas (1,2%) avaient d'autres causes, comme un avortement ou une grossesse extra-utérine.

Parmi les 827 femmes ayant eu une grossesse « finalisée », 104 femmes (12,6%) ont fait une fausse couche. Au sein de ce groupe de 104 femmes, 96 fausses couches (92,3%) se sont produites avant les treize premières semaines de grossesse. Un autre point important à noter est que, sur les 827 femmes à avoir eu une grossesse « finalisée », 700 femmes (84,6%) ont reçu leur première dose de vaccin au cours du troisième trimestre.

Dire que 82%, ou quatre grossesses sur cinq, se terminent par une fausse couche chez les femmes vaccinées est donc incorrect. Cette fausse conclusion peut s’obtenir en effectuant le pourcentage des données suivantes : si sur les 827 grossesses finalisées, 700 femmes se sont faites vacciner au cours de leur troisième trimestre, cela signifie que 127 femmes ont reçu un vaccin au cours de leur premier ou deuxième trimestre. Sur ces 127 femmes, 104 ont fait une fausse couche au cours des 20 premières semaines de grossesse, ce qui équivaudrait à près de 82%.

Ce raisonnement contient pourtant une erreur, comme l’a également noté le réseau international de scientifiques Health Feedback. Celui-ci ne tient pas compte du fait que la plupart des femmes qui ont été vaccinées au cours du premier ou deuxième trimestre étaient encore enceintes au moment de la publication de l'étude. Ces dernières ne sont donc pas comprises dans les 827 grossesses qui forment la base des calculs. Cet aspect figure clairement dans l’étude, qui précise : « Alors que certaines grossesses avec vaccination au premier et au début du deuxième trimestre sont terminées, la majorité sont en cours. » Les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), qui ont mis en place le registre v-safe, ont aussi indiqué à l’AFP que le calcul repris sur les réseaux sociaux n’est pas correct.

Les auteurs de l’étude publiée dans le NEJM estiment par ailleurs qu’un suivi effectué sur un grand nombre de femmes vaccinées plus tôt dans leur grossesse est nécessaire, car seule une minorité de femmes (15,4%) parmi les 827 à avoir eu une grossesse « finalisée » ont été vaccinées au cours du premier semestre. Le papier conclut cependant que, sur la base des données disponibles, le nombre de fausses couches chez les femmes vaccinées contre le Covid-19 semble être en phase avec des études menées sur des femmes enceintes avant la pandémie. « Les résultats préliminaires n'ont pas montré de signaux de sécurité évidents chez les femmes enceintes qui ont reçu des vaccins à ARNm contre le Covid-19 », écrivent les auteurs.

En effet, les fausses couches ne sont pas si rares, vaccination ou pas. Selon la revue britannique The Lancet, le risque global de fausse couche est d'environ 15,3%. Ce qui se rapproche assez des 12,6% évoqués dans le NEJM. L'organisme américain de planification familiale Planned Parenthood évalue quant à lui le risque entre 10 et 20%. Science Direct considère par ailleurs qu'une fausse couche est la complication la plus courante d’une grossesse.

En ce qui concerne le Covid-19, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies préviennent que les femmes enceintes courent un risque accru de développer une forme grave de la maladie, ainsi qu’un risque plus élevé d’accoucher de manière prématurée si elles en sont atteintes. Les autorités américaines jugent ainsi que les femmes enceintes peuvent se faire vacciner.

En Suisse par contre, les autorités ne recommandent pas pour l’instant aux femmes enceintes de se faire vacciner contre le Covid-19, en raison d’un manque de données disponibles. La vaccination est toutefois recommandée aux femmes enceintes atteintes de maladies chroniques ou présentant un risque accru d’exposition, comme par exemple le personnel de santé, à partir du deuxième trimestre de la grossesse.

Dans leurs recommandations sur la vaccination avec des vaccins à ARN messager en date du 22 juin 2021, les autorités suisses notent que « des études menées chez l’animal avec des vaccins à ARNm ainsi que des données de registres recueillies de manière prospective n’indiquent pas d’effets nocifs directs ou indirects sur le développement embryo-fœtal, la gestation, l’accouchement, ou sur le développement post-natal de l’enfant ». À partir du deuxième trimestre, la vaccination contre le Covid-19 peut donc être proposée à toutes les femmes enceintes qui souhaitent se faire vacciner.

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Remarque : les 5ème et 6ème paragraphes ont été reformulés pour plus de clarté.

Liens

Publication Facebook (archivé)

Article trompeur (archivé)

Étude The New England Journal of Medicine (archivé)

Au sujet de VAERS (archivé)

Au sujet de v-safe (archivé)

Fact-check Health Feedback (archivé)

Fact-check AFP (archivé)

Étude The Lancet sur les fausses couches (archivé)

Planned Parenthood sur les fausses couches (archivé)

Science Direct sur les fausses couches (archivé)

CDC sur le Covid-19 et les femmes enceintes (archivé)

Recommandation pour les femmes enceintes Suisse (archivé)

Vaccination à ARNm et grossesse Suisse (archivé)

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