Une vraie pandémie, pas une « opération psychologique »
10.6.2021, 16:12 (CEST)
« Ce n’est pas une pandémie… c’est une opération psychologique », soutient un membre de Facebook, établi en Suisse, en parlant de la crise du coronavirus. (Version sauvegardée)
Évaluation
C’est faux : l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fait autorité en la matière, a qualifié dès mars 2020 la propagation du Covid-19 de « pandémie ». Toutes les statistiques lui donnent raison.
Faits
« A part ce que vous voyez à la télé, quelles sont les preuves que nous sommes en pandémie ? Est-ce que vous passez vos nuits éveillés à cause du bruit incessant des sirènes d’ambulance ? Pourquoi n’ont-ils pas ouvert plus de maisons funéraires pour gérer les décès supplémentaires ? Pourquoi est-ce qu’aucun pays n’enregistre plus de décès que l’année précédente dans ses statistiques ? Quelle preuve de pandémie vous avez si on élimine télé, radio, presse écrite, publicité gouvernementale ? Et voilà, c’était votre première leçon de manipulation psychologique… La croyance des gens envers le narratif est basée sur la répétition du message… Ce n’est pas une pandémie… c’est une opération psychologique », affirme l’auteur du message.
Il a tort : le 11 mars 2020, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui fait autorité en la matière, a estimé que « la Covid-19 pouvait être qualifiée de pandémie ».
Le « Larousse médical » donne la définition suivante d’une pandémie : « Epidémie touchant plusieurs continents ou le monde entier. » Le « Petit Robert » parle quant à lui d’une « épidémie qui atteint un grand nombre de personnes, dans une zone géographique très étendue ».
C’était déjà le cas en mars 2020.
« Ces deux dernières semaines, le nombre de cas de Covid-19 hors de Chine a été multiplié par 13 et le nombre de pays touchés a triplé. On compte désormais plus de 118.000 cas dans 114 pays et 4.291 décès. Des milliers de personnes sont hospitalisées entre la vie et la mort. Dans les jours et les semaines à venir, le nombre de cas, de décès et de pays touchés devrait encore augmenter », avait alors déclaré le directeur général de l’OMS.
Les statistiques lui donnent raison.
Officiellement, on dénombre aujourd’hui plus de 173 millions de cas de Covid-19 dans le monde – aucun continent n’est épargné – et près de quatre millions de décès dus à la maladie.
Selon l’OMS, le nombre de victimes du Covid-19 est nettement sous-évalué, à l’échelle de la planète.
« A la date du 31 décembre 2020, les estimations préliminaires suggèrent que le nombre total de décès mondiaux attribuables à la pandémie de Covid-19 en 2020 est d’au moins 3 millions, soit 1,2 million de décès de plus que les 1,8 million officiellement déclarés », relève l’OMS dans son rapport sur les statistiques sanitaires mondiales 2021 et les estimations de la surmortalité mondiale du nouveau coronavirus.
« Ce chiffre de 1,8 millions de morts serait vraiment deux à trois fois plus élevé. A mon avis, le chiffre de 6 à 8 millions de décès pourrait être une estimation prudente », a déclaré le 21 mai 2021 Samira Asma, la sous-directrice générale de la division des données et de l’analyse de l’OMS.
Selon l’organisation, le Covid-19 est donc responsable d’une importante surmortalité, définie comme « la différence entre le nombre total de morts lors d’une crise par rapport à celui qui est attendu dans des conditions normales ».
C’est également l’avis de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) de la faculté de médecine de l’Université de Washington, aux États-Unis. Ces deux rapports contredisent donc les affirmations de l’auteur du message.
La Suisse, où il réside, ne fait pas exception à la règle.
L’Office fédéral suisse des statistiques (OFS) écrit ceci : « Jusqu’ici, le nombre de décès enregistrés pour les semaines 7 à 21 (15.2.-30.5.2021) est de 1.780 environ inférieur au nombre attendu. Cela correspond à l’évolution naturelle d’une épidémie. En effet, sur les quelque 8.380 décès de personnes de 65 ans et plus qui ont dépassé les chiffres attendus lors de la deuxième vague de Covid-19, certains sont sans doute survenus chez des personnes déjà en si mauvaise santé que leur vie n’a été raccourcie que de quelques semaines. De plus, compte tenu des retards habituels, quelques décès n’ont probablement pas encore été annoncés. Il ne sera possible d’établir un bilan complet des décès dus au Covid-19 en Suisse qu’après la fin de l’épidémie.
Pendant la première vague de l’épidémie de SARS-CoV-2, une surmortalité a été observée entre le 16 mars 2020 (semaine 12) et le 19 avril 2020 (semaine 16) : pendant cette période, 1.500 personnes de plus qu’attendu sont décédées parmi les 65 ans ou plus (26%) et 100 (12%) chez les moins de 65 ans.
Au cours de la première vague, la surmortalité a été la plus marquée pendant la semaine 14 : entre le 30 mars et le 5 avril 2020, la part des décès a dépassé de 46% la valeur attendue parmi les personnes de 65 ans ou plus.
Lors de la deuxième vague de l’épidémie de SRAS-CoV-2, une autre période de surmortalité a été observée entre le 19 octobre 2020 et le 1er mars 2021.
Au cours de ces semaines, quelque 8.380 personnes de plus qu’attendu (47%) sont mortes dans le groupe des 65 ans et plus et environ 240 personnes de plus (10%) sont mortes parmi les moins de 65 ans. Au cours des semaines 46 à 51 (9.11.-20.12.2020), entre 165% et 170% des décès attendus ont été enregistrés chez les personnes de 65 ans et plus. »
En chiffres absolus, ces statistiques ont été contestées par Unisanté, le Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne. Mais pas le principe d’une surmortalité due au Covid-19.
Ainsi, a déclaré le 15 avril une des chercheuses d’Unisanté, Isabella Locatelli, sur les ondes de la radio-télévision romande (RTS) : « En début d'année, nous avons été interpellés par ce premier bilan de l'OFS qui faisait état d'une augmentation de 11% du nombre de décès survenu en 2020, par rapport au nombre prévu ». Le Centre, quant à lui, a observé une surmortalité de 8,8%, toutes causes confondues.
« Il est clair que cette surmortalité est liée à la pandémie », a insisté l’experte.
Liens
Définition Larousse médical (archivé)
OMS mortalité sous-estimée (archivé)
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