Étude mal interprétée

Un récit de conspiration qui va droit au cœur

Publié le 7.2.2025, 18:14 (CET)

Le fait de rapporter une étude scientifique sans vraiment prendre connaissance de son contenu est un phénomène récurrent sur les réseaux sociaux. Surtout quand il s'agit de vaccins.

Sur les réseaux sociaux, on prétend qu'une étude japonaise prouve que la vaccination contre le Covid-19 augmente énormément le risque d'insuffisance cardiaque. Un post diffusé au Luxembourg partage ainsi une capture d'écran avec le texte : « Le Japon tire la sonnette d'alarme alors que l'insuffisance cardiaque augmente de 4900% parmi les personnes vaccinées (contre le) Covid. »

Évaluation

Cette affirmation est fausse. L'étude ne porte absolument pas sur le risque d'insuffisance cardiaque.

Faits

Le post luxembourgeois est accompagné du commentaire « À méditer ». Sous la capture d'écran, un lien renvoie à un article du site web américain « Slay News ». Il s'agit de la traduction française par Google de cet article original en anglais. 

L'article du site commence par affirmer que des experts japonais ont tiré la sonnette d'alarme après avoir trouvé des preuves d'une « augmentation vertigineuse » des insuffisances cardiaques chez des personnes préalablement vaccinées avec un vaccin à ARNm. Il est alors affirmé : « Les meilleurs scientifiques japonais ont découvert que le risque d'insuffisance cardiaque augmente jusqu'à 4900% après qu'une personne ait reçu une injection d'ARNm contre le Covid. »

C'est déjà faux parce que l'étude en question ne s'est absolument pas penchée sur le risque d'insuffisance cardiaque.

Affections distinctes

En fait, le site américain, qui diffuse surtout des sujets issus des milieux de l'ultra-droite et des anti-vaccins, fait référence à une étude japonaise intitulée : « Myocardite et péricardite liées au vaccin SARS-CoV-2 mRNA : Analyse de la base de données japonaise Adverse Drug Event Report » (original : « SARS-CoV-2 mRNA vaccine-related myocarditis and pericarditis : An analysis of the Japanese Adverse Drug Event Report database »). Cette étude a été publiée en janvier 2025 par le professeur japonais Keisuke Takada de la faculté de pharmacologie de l'Université Keio à Tokyo, ainsi que d'autres contributeurs. 

Cette étude porte, comme on peut s'en douter au vu du titre, sur les conséquences de la vaccination anti-Covid sur l'apparition de myocardites et de péricardites. Ce sont certes des maladies liées au cœur, mais il s'agit de quelque chose de totalement différent de l'insuffisance cardiaque.

L'insuffisance cardiaque désigne, selon la définition de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) française, « un état dans lequel le cœur n'est plus capable d'assurer son rôle de pompe, et donc d'alimenter correctement l'organisme en sang ». La FRM ajoute : « Cette pathologie chronique est irréversible : une fois installée, elle s'aggrave. » L'insuffisance cardiaque est donc une maladie grave dont les causes sont multiples et qui peut être mortelle. Elle est particulièrement fréquente chez les personnes âgées.

La myocardite, quant à elle, est une inflammation du muscle cardiaque, tandis que la péricardite est une inflammation du péricarde. Ces deux maladies sont principalement provoquées par des virus.

Dans un document, l'Assurance maladie française a expliqué en détail qu'après l'apparition de la pandémie de Covid-19, une accumulation de myocardites est apparue chez certains patients. En outre, après le début des vaccinations avec les vaccins ARNm, il a été constaté que le risque de myocardite augmentait, surtout chez les jeunes patients de sexe masculin. Les myocardites et les péricardites peuvent être traitées sans problème, en particulier si elles sont détectées à temps.

Le site Slay News rapporte également que l'étude japonaise porte sur la myocardite et la péricardite. La contradiction avec l'affirmation selon laquelle il s'agit de l'insuffisance cardiaque persiste. Elle n'explique pas non plus le risque prétendument plus élevé de 4900% de la maladie. 

Des cas rares aux guérisons nombreuses

L'étude japonaise rapporte que la base de données nationale sur les effets indésirables possibles des médicaments (Japanese Adverse Drug Event Report, JADER) contient exactement 880.999 entrées pour la période d'avril 2004 à décembre 2023. Parmi celles-ci, 919 concernaient des effets secondaires possibles de vaccins en cas de myocardite, 321 en cas de péricardite.

Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que les vaccins à ARNm avaient un lien « significatif » avec l'apparition de ces deux maladies. Cela concernerait surtout les hommes âgés de moins de 30 ans. « Bien que la plupart des événements indésirables soient survenus tôt après la vaccination, les résultats étaient globalement bons », indique l'étude. 

L'étude japonaise précise qu'au vu de la vaste recherche internationale sur le sujet, on a maintenant voulu savoir si le risque accru de myocardite et de péricardite lié aux vaccins à ARNm pouvait également être démontré au Japon. L'évaluation des données a montré que 78% des cas de myocardite et 87% des cas de péricardite se sont soldés par un rétablissement et une guérison. Dans 84 cas (soit 11%), la myocardite s'est soldée par un décès, et dans 13 cas (5%) par une péricardite.

Le fait que les vaccins puissent favoriser l'apparition de myocardites et de péricardites n'est donc pas nouveau. L'étude japonaise fait également référence à de nombreux travaux de recherche menés principalement aux États-Unis et en Europe depuis 2022.

L'American Heart Association, qui lutte depuis plus d'un siècle contre les maladies cardiaques, écrit sur son site Internet à propos des rapports sur une éventuelle influence de la vaccination sur la myocardite : « La recherche montre que les avantages du vaccin Covid-19 l'emportent largement sur le faible risque de myocardite après la vaccination. »

Une étude française d'août 2024 avait comparé 4635 personnes ayant contracté une myocardite. Il s'est avéré que ceux qui avaient contracté cette maladie à la suite du vaccin anti-Covid présentaient des symptômes moins graves que ceux qui avaient été infectés de manière traditionnelle. 

Les auteurs de l'étude japonaise soulignent eux-mêmes la portée limitée de l'étude. Ils ont dû évaluer des données sans disposer d'un groupe de contrôle. En outre, il n'a pas été tenu compte de l'existence éventuelle d'autres événements dans l'histoire des patients qui auraient pu entraîner les maladies.

L'étude donne néanmoins des indications importantes. « Pour une véritable évaluation des risques, des études épidémiologiques prospectives et des évaluations corrigées des facteurs de fond sont toutefois souhaitables », peut-on lire à propos des risques potentiels.

Quoi qu'il en soit, il serait important de porter à l'avenir une attention particulière aux jeunes hommes de moins de 30 ans dans des situations similaires, afin de reconnaître à temps d'éventuels symptômes de myocardite et de péricardite. 

(Situation au 7.2.2025)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Article de Slay News (version archivée)

Étude japonaise (version archivée)

Fondation pour la Recherche Médicale (version archivée)

Assurance maladie (version archivée)

American Heart Association (version archivée)

Étude française (version archivée)

À propos des fact-checks de la dpa

Ce fact-check a été rédigé dans le cadre du programme indépendant de vérification de Facebook/Meta. Plus d’informations au sujet de ce programme peuvent être trouvées ici. Pour en savoir plus sur la façon dont Facebook/Meta gère les comptes qui diffusent des informations erronées, cliquez ici.

Si vous avez des objections ou des remarques, merci de les envoyer à l'adresse factcheck-luxembourg@dpa.com en incluant un lien vers la publication Facebook concernée (voir le modèle à utiliser ici).

Pour plus d’informations sur la manière de soumettre une correction ou de contester une évaluation, veuillez vous référer à cette page.