La vaccination contre la rougeole est utile

Pour Robert F. Kennedy Jr., célèbre opposant américain à la vaccination, la mortalité due à la rougeole aurait considérablement diminué avant même qu'un vaccin ne soit disponible. Une indication, selon lui, que la vaccination ne serait pas nécessaire. C'est en tout cas ce qu'il affirme dans une vidéo diffusée sur Facebook au Luxembourg. En légende, on peut lire que « 99 % de la mortalité liée à la rougeole avait déjà disparu » aux Etats-Unis, et ce « avant l'arrivée du vaccin au début des années 80 ».

Evaluation

Cette affirmation est fausse. En réalité, la vaccination contre la rougeole a largement contribué à l'éradication de cette maladie dans de nombreux pays. Le vaccin contre la rougeole fait partie des vaccins les plus efficaces et les plus sûrs qui existent.

Faits

Le vaccin contre la rougeole n'est pas sur le marché depuis le début des années 80, mais depuis 1963, et il est utilisé avec succès. Dans tous les cas, l'affirmation implicite selon laquelle la rougeole pourrait disparaître d'elle-même est fausse.

Dans la vidéo, Robert F. Kennedy Jr. avance que la mortalité due à la rougeole avait déjà baissé de 99 % avant l'introduction du vaccin en 1963. « En 1963, seuls 400 enfants sont morts de la rougeole sur une population de 200 millions d'Américains », peut-on l'entendre dire dans la vidéo. « Il s'agissait presque exclusivement d'enfants noirs du delta du Mississippi qui mouraient de malnutrition », poursuit-il.

Selon lui, il est « probable » que la rougeole ait tout simplement disparu. Une bonne hygiène et une bonne alimentation auraient presque permis d'éradiquer la maladie. Au lieu de cela, la vaccination aurait eu pour conséquence de rendre les personnes âgées plus susceptibles de contracter la rougeole.

Ce que dit réellement l'étude de l'an 2000

Pour affirmer cela, Kennedy Jr. se réfère à une étude sur les « tendances de la santé des Américains au cours du 20e siècle », publiée en décembre 2000 dans la revue Pediatrics. Il y est notamment indiqué qu'entre les années 1900 et 1998, de moins en moins d'Américains sont morts de maladies infectieuses, mais de plus en plus de maladies chroniques et d'accidents. La pneumonie, la tuberculose et la grippe ainsi que les maladies diarrhéiques ont cédé la place aux maladies cardiaques et au cancer comme principales causes de décès.

Il est vrai que, selon cette étude, la mortalité infantile a diminué de 85 % aux Etats-Unis depuis 1900, et ce avant même la Seconde Guerre mondiale qui a commencé « à une époque où peu d'antibiotiques ou de vaccins et de médicaments modernes étaient disponibles ». Une baisse de 90 % de la mortalité infantile due aux maladies infectieuses s'est produite avant 1940, lorsque peu d'antibiotiques ou de vaccins étaient en circulation. Il n'existe pas de preuves à l'appui de l'affirmation de Kennedy d'une baisse de 99 %.

Selon cette étude, et d'autres, la baisse de la mortalité infantile au cours du premier tiers du siècle dernier « est due à une combinaison de l'amélioration des conditions socio-économiques dans le pays et de la stratégie de santé publique visant à protéger la santé des Américains ». Il s'agit principalement de l'amélioration des conditions de logement, des conditions d'hygiène, de l'accès à l'eau potable et de la prévention des maladies.

Diminution des cas grâce au vaccin

Cela ne signifie pas pour autant que la vaccination contre la rougeole est superflue. Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains, entre trois et quatre millions de personnes contractaient la rougeole chaque année aux Etats-Unis avant le début du programme de vaccination en 1963.

Sur ce nombre, seuls 500 000 cas environ étaient déclarés aux CDC, la majeure partie des maladies n'étant donc même pas enregistrée. Sur les quelque 500 000 cas déclarés, dont environ un dixième a dû être hospitalisé, 400 à 500 décès ont été recensés. Cela signifie que la mortalité était déjà nettement plus faible en 1963 qu'au début du siècle, lorsque la rougeole tuait environ 6000 Américains chaque année.

« Depuis lors, l'utilisation généralisée de vaccins contenant le virus de la rougeole a entraîné une diminution de plus de 99 % des cas de rougeole par rapport à la période précédant la vaccination », indique un communiqué des CDC. « Cependant, dans d'autres pays, la rougeole est encore très répandue. Les personnes non vaccinées continuent à contracter la rougeole à l'étranger et à ramener la maladie aux Etats-Unis, où elle en infecte d'autres », précise-t-il.

La rougeole a été officiellement déclarée éradiquée aux Etats-Unis en 2000. Selon un rapport du Journal of Infectious Diseases, trois efforts de vaccination importants ont été nécessaires en 1966, 1978 et 1993.

Cela montre également que, contrairement aux affirmations de Robert F. Kennedy Jr., une meilleure hygiène et de meilleures conditions de vie ne suffisent pas à elles seules à éradiquer la rougeole. Il est également faux de croire que la rougeole est une maladie infantile inoffensive qui disparaît. « Dans le meilleur des cas, la rougeole est une maladie désagréable. Dans le pire des cas, elle est mortelle », peut-on lire dans un document de l'université Johns Hopkins.

Depuis 2000, il n'y a eu qu'un nombre de cas gérable, mais très variable. En 2023, il y avait 58 cas, mais en 2019, il y en avait 1274. L'éradication de la rougeole signifie une protection pour les groupes de population qui ne peuvent pas être directement protégés par la vaccination - par exemple les très jeunes enfants, les personnes souffrant d'une déficience immunitaire, ou encore les personnes qui refusent de se faire vacciner. Cela signifie des « avantages substantiels au niveau national ».

La rougeole n'est pas encore éradiquée dans le monde entier

Cependant, le principal avantage réside dans son importance pour les efforts internationaux visant à contrôler le virus de la rougeole. Dans de nombreux pays, les possibilités de traitement et de prévention de la rougeole sont insuffisantes. Cela entraîne des taux de mortalité élevés.

Selon un rapport de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) publié en 2017, les programmes de vaccination ont permis de réduire le nombre de décès dus à la rougeole dans le monde de près de 80 % entre 2000 et 2015, pour atteindre 134 200. En 2021, l'OMS comptait 128 000 décès dus à la rougeole. Entre 2000 et 2021, il aurait été possible d'éviter 56 millions de décès imputés à cette maladie.

Les CDC soulignent également que la lutte contre la rougeole ne consiste pas seulement à éviter les décès. La maladie peut également entraîner une encéphalite et une pneumonie, ainsi que des complications pendant la grossesse.

(Situation au 08.03.2024)