Interprétation erronée
Une étude sur l'évolution à long terme du climat détournée
Publié le 1.10.2024, 14:45 (CEST)
Le 20 septembre 2024, la revue scientifique Science a publié une étude très remarquée sur l'évolution de la température moyenne de la Terre au cours des 485 derniers millions d'années.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes s'en font le relais, affirmant sur base d'un graphique que « la température moyenne du globe n'a jamais été aussi froide ». A les croire, le dioxyde de carbone (CO2) n'aurait en outre « rien à voir » avec la variation des températures ; le réchauffement actuel étant dû, selon eux, « à une augmentation de l'activité du soleil ».
Ces allégations, qui cumulent des dizaines de milliers de vues, circulent en plusieurs langues sur X, Facebook et Threads, notamment, ainsi que sur des sites ouvertement climatosceptiques. Mais il s'agit d'une interprétation fallacieuse.
Evaluation
L'étude dont est tiré le graphique identifie clairement le CO2 comme moteur des variations climatiques au cours des 485 derniers millions d'années. Loin de nier l'origine humaine du réchauffement actuel, les auteurs mettent en garde contre la vitesse sans précédent avec laquelle la Terre se réchauffe actuellement.
Faits
Cette nouvelle recherche - la plus détaillée à ce jour - sur l'évolution du climat suggère que la température moyenne du globe a varié, au cours des 485 derniers millions d'années, entre 11°C et 36°C, soit davantage que ce que les scientifiques pensaient jusqu'à présent.
Créée en combinant des données issues d'études géologiques avec des modèles climatiques de pointe, cette chronologie identifie une forte corrélation entre la concentration de CO2 dans l'atmosphère et les variations climatiques. « Lorsque le CO2 est faible, la température est froide ; lorsque le CO2 est élevé, la température est chaude », résume (ici) à grands traits la co-autrice de l'étude et professeure de géosciences à l'Université d'Arizona, Jessica Tierney.
L'étude révèle également que les états climatiques plus chauds ont dominé l'histoire de la Terre depuis l'apparition de la vie animale complexe, il y a environ 500 millions d'années.
Ainsi, à son plus haut niveau de chaleur, la température moyenne à la surface de la Terre a atteint 36°C, indiquent les chercheurs. C'est bien plus que la température moyenne actuelle, qui est de l'ordre de 15°C.
Mais ceci remet-il en question la gravité du réchauffement actuel, comme le laissent entendre les publications virales ? La réponse est non. Selon les auteurs de l'étude, les résultats sonnent au contraire comme un énième avertissement.
Les animaux et les humains incapables de s'adapter si vite
Les révélations sur le passé brûlant de la Terre sont une raison supplémentaire de s'inquiéter du changement climatique moderne, explique Emily Judd, autrice principale de l'étude, interrogée par le Washington Post.
Si la température moyenne actuelle d'environ 15°C est relativement basse par rapport aux précédentes, « les émissions de gaz à effet de serre dues au changement climatique d'origine humaine réchauffent la planète à un rythme bien plus rapide que les événements de réchauffement précédents », affirment les chercheurs.
« Nous modifions le climat dans un sens qui n'est pas du tout adapté pour les humains. La planète a déjà été et peut être plus chaude, mais les humains et les animaux ne peuvent s'adapter aussi rapidement », avertit la co-autrice de l'étude, Jessica Tierney.
Et de mettre en garde : d'autres épisodes de changement climatique rapide ont déclenché des extinctions massives par le passé (voir Figure 2 sur l'historique des températures et des cinq principales extinctions de masse).
Parmi celles-ci, la plus spectaculaire s'est produite il y a environ 252 millions d'années. Les scientifiques l'attribuent généralement à des éruptions volcaniques majeures, responsables de l'émission d'importants volumes de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ce qui aurait entraîné le réchauffement de la planète et une diminution du taux d'oxygène des océans. Plus de 90% des espèces, terrestres comme marines, ont alors été anéanties.
Pour de nombreux scientifiques, nous sommes désormais entrés dans la sixième extinction de masse.
Le réchauffement provoqué par les activités humaines, pas par le soleil
Outre une interprétation fallacieuse de l'étude, les publications partagées sur les réseaux sociaux attribuent erronément l'origine du réchauffement actuel aux variations de l'activité solaire.
Or cette théorie, devenue un grand classique de la rhétorique climatosceptique, n'a jamais pu être prouvée.
Dans son dernier rapport d'évaluation (AR6), le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) - chargé de synthétiser l'état des connaissances sur le réchauffement climatique - l'énonce très clairement : « Il est sans équivoque que les activités humaines ont réchauffé notre climat. Les changements récents sont rapides, s'intensifient, et sont sans précédent sur des siècles à des millénaires. »
Le soleil n'y joue qu'un rôle limité, souligne le Giec. Son influence et celle de l'activité volcanique sur la température moyenne du globe ces dernières décennies ne serait que de -0,1°C à +0,1°C.
Comme l'indique également la NASA sur son site web, la plupart des scientifiques estiment que, depuis 1750, le réchauffement provoqué par les gaz à effet de serre provenant de la combustion des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) est plus de 270 fois supérieur au léger réchauffement provoqué par le soleil.
L'origine humaine du réchauffement climatique fait l'objet d'un large consensus. Les preuves accumulées par les scientifiques ces dernières décennies sont formelles.
(Situation au 01.10.2024)
Liens
Publications Facebook I, II, III (versions archivées I, II, III)
Publication X (version archivée)
Publication Threads (version archivée)
Etude originale (version archivée)
A propos de l'étude - Université d'Arizona (version archivée)
A propos de la chercheuse Jessica Tierney (version archivée)
A propos de la température moyenne actuelle de la Terre - NASA (version archivée)
A propos de l'autrice principale Emily Judd (version archivée)
Article du Washington Post (version archivée)
A propos des cinq dernières extinctions de masse (version archivée)
A propos de la sixième extinction de masse I, II (versions archivées I, II)
A propos du Giec (version archivée)
Dernier rapport du Giec (AR6) (version archivée)
A propos de l'activité solaire et du réchauffement climatique I, II, III (versions archivées I, II, III)
A propos du consensus sur l'origine humaine du réchauffement climatique - CNRS (version archivée)
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