Affirmations fantaisistes

Le Japon à nouveau cible d'une infox sur les vaccins à ARNm

Publié le 10.9.2024, 09:45 (CEST)

Quatre ans après leur lancement, les vaccins à ARNm restent un sujet majeur de désinformation. Sur les réseaux sociaux, agiter le spectre de nouveaux effets secondaires fait toujours recette.

A en croire certains internautes, le Japon aurait déclaré l'état d'urgence après la découverte de « nanorobots » chez 96 millions de citoyens suite aux « vaccins à ARNm contre la COVID-19 ». C'est du moins ce qu'avancent des publications abondamment relayées sur Facebook, Telegram et X. Mais ces affirmations relèvent de la pure invention.

Evaluation

Le Japon n'a pas déclaré d'état d'urgence récemment. Ces allégations trouvent leur origine dans un article du site web anglophone The People's voice, bien connu pour fabriquer de fausses rumeurs à partir de déclarations inventées ou d'études bancales.

Faits

Dans l'article en question, publié le 10 août 2024, The People's Voice prétend que « le Japon a présenté des excuses à ses citoyens pour les conséquences désastreuses des vaccins à ARNm contre la COVID-19 et lancé des enquêtes scientifiques et criminelles de grande envergure pour établir la vérité (...) ».

Si tel était le cas, les agences de presse et médias traditionnels y auraient consacré une large couverture. Or une recherche sur Google ne permet de retrouver aucun article fiable en ce sens.

Le constat est le même sur le site web du gouvernement japonais : les actualités des derniers mois ne font état d'aucune déclaration d'état d'urgence, ni d'aucune excuse formulée par les autorités.

Sur le site web du ministère japonais de la Santé, les seuls documents mentionnant l'état d'urgence datent de la pandémie de Covid-19.

Au cours des cinq dernières années, le Japon a en effet déclaré l'état d'urgence à quatre reprises, entre 2020 et 2021, pour endiguer une recrudescence de cas de Covid-19. Mais ces restrictions ont été levées. Et le Japon n'a plus déclaré d'état d'urgence depuis lors.

Pas de « nanorobots »

Pour étayer ses propos, The People's Voice s'appuie sur une étude parue dans la revue « International Journal of Vaccine Theory Practice and Research ». Intitulée « Auto-assemblage en temps réel d'éléments artificiels visibles au stéréomicroscope dans des échantillons de produits d'ARNm provenant principalement de Pfizer et Moderna : une étude longitudinale complète », celle-ci a été publiée en juillet 2024. 

Ses deux auteurs y suggèrent la présence d'une « forme de nanotechnologie » dans les vaccins à ARNm contre le Covid-19. Leurs observations au « stérémicroscope » (un type particulier de microscope) révèleraient « des entités animées ressemblant à des vers, des disques, des chaînes, des spirales, des tubes et des structures rectangulaires », tous « dépassant les niveaux attendus et acceptables dans des produits injectables contre le Covid-19 », estiment les chercheurs.

The People's Voice va plus loin encore, qualifiant ces éléments de « nanorobots », capables de communiquer avec une base de données centrale dont l'adresse IP ne pourrait être tracée. L'étude n'en fait toutefois mention nulle part.

Etude peu fiable

Outre les extrapolations fallacieuses véhiculées par People's Voice, l'étude elle-même requiert la vigilance.

La revue dans laquelle elle est publiée n'est pas reprise dans la base de données PubMed, qui répertorie tous les articles publiés dans les revues médicales réputées. Si la présence d'un éditeur dans cette base de données n'est pas un gage de qualité absolue, son absence doit néanmoins éveiller la méfiance.

De plus, le profil des deux auteurs ne correspond pas au domaine étudié. Selon leur biographie, Young Mi Lee est gynécologue spécialisée en obstétrique (donc dans la prise en charge des grossesses et accouchements à haut risque), tandis que Daniel Broudy est professeur de linguistique appliquée dans une université japonaise.

Le fait qu'aucun des deux ne possède d'expertise spécifique en matière d'immunologie ou de vaccination invite également à la prudence.

Des vaccins fondés sur les nanotechnologies

En outre, « nanotechnologie » ne signifie pas forcément « nanorobots ». Les applications fondées sur les nanotechnologies sont multiples et couvrent un large éventail de domaines.

Selon l'Institut français de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les nanotechnologies et les nano-objets regroupent les techniques et les outils du monde de l'infiniment petit : le millionième de millimètre.

Dans le cas des vaccins à ARNm contre le Covid-19, la partie « nano » correspond au vecteur dans lequel est inséré l'ARN messager qui code pour la protéine Spike (la clé qui permet au virus SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules) et doit être acheminé à bon port pour apporter la protection voulue. Il n'est nullement question d'une puce ou d'un robot destiné à tracer son dépositaire, comme le prétendent à tort certaines théories conspirationnistes telles que celle diffusée par The People's Voice.

Il n'y a donc aucune raison pour le Japon de déclarer l'état d'urgence sur base de l'étude précitée.

Le pays fait par ailleurs régulièrement l'objet de rumeurs en lien avec la vaccination contre le Covid-19, comme l'a déjà montré la Deutsche Presse-Agentur (dpa) ici et ici.

(Situation au 10.09.2024)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Publication Telegram (version archivée)

Publication X (version archivée)

Article de People's Voice (version archivée)

Recherche sur Google (version archivée)

Actualités sur le site du gouvernement japonais (version archivée)

Recherche sur le site du ministère de la Santé (version archivée)

A propos de la 4e déclaration d'état d'urgence pendant la pandémie au Japon - NHK (version archivée)

A propos de la levée des restrictions au Japon (version archivée)

A propos de l'étude en question (version archivée)

A propos de PubMed I, II (versions archivées I, II)

A propos des nanotechnologies - Inserm (version archivée)

Fact-checks de la dpa I, II

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