Extrapolation peu fiable
Deux oncologues tués dans un accident d'avion au Brésil
Publié le 29.8.2024, 21:03 (CEST)
Le 9 août 2024, un accident d'avion survenu près de São Paulo, au Brésil, a fait 62 morts. A ce jour, la cause du crash fait toujours l'objet d'une enquête.
Sur les réseaux sociaux, des rumeurs prétendent que huit cancérologues figuraient parmi les victimes. A les croire, ces médecins « se rendaient à une conférence internationale à São Paulo où ils devaient présenter leurs conclusions selon lesquelles l'ARNm et les vaccins contre le Covid-19 sont responsables de l'explosion des turbo-cancers et des maladies auto-immunes qui font aujourd'hui des ravages dans le monde entier », lit-on dans des publications virales sur Facebook et X, notamment.
Mais ces messages, véhiculés en plusieurs langues, ne résistent pas à l'épreuve des faits.
Évaluation
Si plusieurs médecins, dont deux seulement étaient oncologues, sont bien décédés dans l'accident d'avion au Brésil, aucune preuve ne permet d'affirmer qu'ils menaient des recherches conjointes sur les vaccins à ARNm et les cancers. De plus, l'expression « turbo cancer » n'est pas reconnue dans le milieu médical.
Faits
Parmi les publications qui relayent cette rumeur, certaines renvoient vers un article publié le 13 août 2024 sur le site anglophone « The People Voice », habitué des fausses informations. La Deutsche Presse-Agentur (dpa) l'a déjà montré ici, ici ou encore ici. D'autres posts se réfèrent, quant à eux, à une traduction française publiée sur le blog « profession-gendarme.com », dont les contenus méritent tout autant de méfiance.
Selon ces articles, huit médecins seraient morts dans le crash du vol 2283 reliant Cascavel à São Paulo, le 9 août dernier. Parmi eux, figureraient un radiologue nommé Leonel Ferreira et les « spécialistes de cancers pédiatriques », Sarah Sella et Silvia Osaki.
Si ces personnes ont bien disparu dans l'accident d'avion (voir la liste des passagers décédés ici), leurs domaines de compétences ne correspondent pas toujours à ce qu'avance The People's Voice. Le site web fait sciemment l'amalgame entre diverses disciplines médicales.
Des spécialisations variées
Le Pr José Roberto Leonel Ferreira (Jose Fer, dans la liste des passagers ci-dessus), par exemple, était radiologue et professeur retraité de l'université Unioeste, mais pas cancérologue.
Pédiatre urgentiste avec une spécialisation en allergologie et immunologie, Sarah Sella Langer, également affiliée à l'Unioeste, concentrait ses recherches sur la dermatite atopique, mais pas sur les vaccins à ARNm ni sur les cancers. On peut le constater dans le communiqué de l'université et sur Google Scholar.
Quant à Silvia Cristina Osaki, elle était professeure en médecine vétérinaire à l'Université fédérale du Paraná (UFPR). Aucun de ses travaux repris sur Google Scholar ne concerne les vaccins à ARNm ou le cancer chez l'être humain.
Conférence sur le cancer des ovaires
Selon le Conseil régional de médecine du Paraná (CRM-PR), deux médecins ayant péri dans le crash étaient bien oncologues. Il s'agit des Dr Arianne Albuquerque Risso et Mariana Comiran Belim. Toutes deux se rendaient à une conférence sur le cancer des ovaires promue par la firme pharmaceutique AstraZeneca à Curitiba, selon la publication spécialisée Oncology News Central (ONC) et le média brésilien Globo.
Mais il n'existe aucune preuve que les deux femmes s'y rendaient conjointement avec les autres médecins pour faire de prétendues révélations sur les vaccins à ARNm et les « turbo cancers ».
La presse locale n'en fait mention nulle part. Et l'université Unioeste, qui a perdu neuf de ses membres dans le crash, n'y fait aucune allusion non plus.
Initialement prévue les 9 et 10 août, la conférence a été annulée à la suite du crash. Les participants devaient y discuter de traitements innovants faisant appel à la génétique et à la médecine de précision, selon ONC.
Aucune signification médicale
L'expression « turbo cancer » n’est en outre pas reconnue comme médicalement légitime. Répandue dans les sphères antivax, elle désigne des cancers particulièrement agressifs soi-disant causés ou aggravés par les vaccins anti-Covid.
Ces croyances sont réfutées par de nombreux oncologues et chercheurs. Certains d'entre eux ont d'ailleurs été contraints de réagir après qu'une étude a été détournée par des opposants à la vaccination.
En Belgique et dans d'autres pays comme les Etats-Unis par exemple, la vaccination contre le Covid-19 reste recommandée pour les personnes atteintes d'un cancer. L'efficacité chez les patients immunodéprimés (dont le système immunitaire est affaibli par certains traitements) n'est toutefois pas toujours optimale. C'est pourquoi il importe pour chaque personne concernée d'en discuter avec son oncologue.
(Situation au 29.08.2024)
Liens
A propos de l'accident d'avion au Brésil - RTBF (version archivée)
Publications Facebook I, II & III (versions archivées I, II & III)
Publication X (version archivée)
Article de People Voice (version archivée)
Fact-checks de la dpa I, II, III
Article de profession-gendarme.com (version archivée)
Evaluation du blog par Conspiracy Watch (version archivée)
Liste des passagers (version archivée)
A propos du Pr José Roberto Leonel Ferreirra - communiqué d'Unioeste (version archivée)
Compte X de Sarah Sella Langer (version archivée)
A propos des recherches de Sarah Sella Langer I, II (versions archivées I, II)
A propos de Silvia Cristina Osaki I, II (versions archivées I, II)
Communiqué du Conseil régional de médecine du Paraná (version archivée)
A propos de la conférence à Curitiba I, II (versions archivées I, II)
A propos des « turbo cancers » - La Voix du Nord (version archivée)
A propos du démenti d'oncologues et de chercheurs (versions archivées I, II)
Fact-check de l'AFP (version archivée)
A propos des recommandations pour la vaccination anti-Covid en Belgique (version archivée)
A propos des recommandations pour la vaccination anti-Covid aux Etats-Unis (version archivée)
À propos des fact-checks de la dpa
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