L'enquête se poursuit

L'affaire Pfizergate remise pour une question de procédure

Publié le 24.5.2024, 16:32 (CEST)

A quelques semaines des élections européennes, le report d'une procédure judiciaire peut paraître douteux. Pourtant, il ne prouve aucun lien de cause à effet.

La justice belge enquête sur le présumé « Pfizergate », ou l'affaire de commandes de vaccins anti-Covid par la Commission européenne au géant pharmaceutique Pfizer. Au coeur des investigations : des SMS échangés entre la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le patron de la firme pharmaceutique, Albert Bourla, jamais rendus publics.

Sur les réseaux sociaux, des internautes prétendent qu'« à cause des élections européennes » du 9 juin prochain, « les enquêtes » contre Ursula von der Leyen seraient « temporairement suspendues ». A les croire, c'est ce qu'aurait décidé le tribunal de Liège le 17 mai dernier.

Mais cette interprétation, diffusée en plusieurs langues sur Facebook, X et certains blogs (comme ici, ici ou encore ici), est trompeuse.

Evaluation

Le 17 mai, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Liège a remis le dossier au 6 décembre 2024. Cette décision - purement juridique – ne s'inscrit pas dans le cadre des élections européennes ; elle doit permettre aux différentes parties d'étayer leurs arguments sur certains points de la procédure. En attendant, l'enquête sur le fond du dossier se poursuit.

Faits

En avril 2023, un citoyen belge, Frédéric Baldan, a déposé plainte au parquet de Liège contre la présidente de la Commission européenne pour « corruption », « prise illégale d'intérêt », « destruction de documents administratifs » et « usurpation de titres et de fonctions ».

Le plaignant reproche à Ursula von der Leyen d'avoir négocié en privé et refusé de rendre publics des SMS échangés avec le patron de Pfizer dans le cadre des négociations d'un contrat de 1,8 milliard de doses de vaccin anti-Covid, d'une valeur estimée à 35 milliards d'euros.

Selon lui, Ursula von der Leyen se serait substituée au gouvernement belge dans la négociation de ces vaccins. Il la soupçonne d'avoir obtenu des avantages et l'accuse d'avoir supprimé les SMS en question.

Depuis lors, d'autres citoyens, associations, partis politiques et même deux Etats membres de l'Union européenne (la Hongrie et la Pologne, sous le précédent gouvernement) se sont joints à la plainte, en se constituant parties civiles.

Report automatique

Mais qu'est-il ressorti exactement de l'audience du 17 mai devant la chambre du conseil de Liège ?

Avant toute chose, il faut savoir que cette juridiction n'a pas vocation à traiter le fond de l'affaire. La chambre du conseil intervient entre l'instruction et un éventuel procès. Sa mission est de contrôler la régularité de la procédure avant que le dossier ne soit jugé sur le fond par un tribunal correctionnel.

Dans ce cas-ci, la chambre devait se prononcer sur plusieurs questions de procédure, dont celle de savoir qui du juge d'instruction liégeois ou du parquet européen (European Public Prosecutor's Office ou EPPO) était compétent pour traiter l'affaire.

Opérationnel depuis 2021, l'EPPO a été créé pour poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte au budget de l'UE, comme les fraudes ou la corruption. Mais sa compétence est contestée par des parties civiles et le juge d'instruction liégeois lui-même, qui souhaite poursuivre son enquête.

Au terme de l'audience, aucune décision n'a finalement été prise, car le gouvernement hongrois a demandé des devoirs d'enquête complémentaires. Cette requête entraîne un report automatique de l'affaire. Ce délai doit permettre aux différentes parties d'étayer leurs arguments pour la prochaine audience.

La remise au 6 décembre n'a donc rien à voir avec les élections européennes, prévues du 6 au 9 juin, comme l'affirment à tort certains internautes. Cette décision est purement juridique et motivée par la requête de la Hongrie.

L'enquête sur le fond se poursuit

En attendant, l'enquête belge sur le fond du dossier se poursuit aux mains de l'Office central pour la répression de la corruption, selon plusieurs médias. Elle n'a donc pas été suspendue.

D'autres enquêtes sont par ailleurs toujours en cours.

En février 2023, le journal New York Times a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) au motif que la Commission n'a pas rendu public les SMS échangés entre Ursula von der Leyen et le CEO de Pfizer. L'investigation se poursuit, selon le média européen Euractiv.

En Allemagne, le parquet de Mönchengladbach (à l'ouest du pays) a également ouvert une enquête préliminaire sur des allégations de corruption visant l'achat des vaccins anti-Covid par la Commission européenne, selon le média libéral Atlantico.

Aspirant à sa reconduction à la tête de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen est la principale candidate du Parti populaire européen (PPE) pour ce poste après les élections européennes de début juin.

(Situation au 24.05.2024)

Liens

Publications Facebook I, II (versions archivées I, II)

Publication X (version archivée)

Publications sur des blogs I, II, III (versions archivées I, II, III)

A propos de la plainte déposée en Belgique (version archivée)

A propos du contrat entre la Commission et Pfizer (version archivée)

A propos des autres parties civiles (version archivée)

A propos du rôle de la chambre du conseil (version archivée)

A propos de l'EPPO (version archivée)

A propos de la demande de la Hongrie (version archivée)

A propos de la poursuite de l'enquête sur le fond (version archivée)

A propos de l'enquête préliminaire en Allemagne (version archivée)

A propos de la candidature d'Ursula von der Leyen (version archivée)

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