Contexte manquant

L'ensemencement des nuages mis sur pause en Tasmanie

Publié le 11.04.2024, 14:47 (CEST)

En Tasmanie, une nouvelle opération d'ensemencement des nuages aurait causé de graves inondations, selon certains internautes. Pourtant, cette technique n'a plus été utilisée sur l'île depuis 2016.

Début avril 2024, une séquence vidéo montrant des inondations en Tasmanie a refait surface sur les réseaux sociaux. « Australian News admet un nouvel exercice de géo-ingénierie au-dessus de la Tasmanie. Les habitants demandent à savoir pourquoi les opérations de 'Cloud Seeding' ont été menées la veille des pires inondations depuis 40 ans », clament des internautes à l'appui de cet extrait.

Par « cloud seeding », ils font allusion au processus d'ensemencement des nuages, une technique visant à augmenter les précipitations.

Mais contrairement à ce que les publications laissent penser, la vidéo n'est pas récente. De plus, sa réapparition en ligne, sans date ni contexte, masque une grande partie de la réalité.

Evaluation

La séquence vidéo remonte à 2016. Une enquête effectuée dans la foulée des inondations a conclu que l'ensemencement des nuages n'avait pas eu d'impact sur les conditions météorologiques extrêmes. Entretemps, Hydro Tasmania a également suspendu son programme d'ensemencement. Plus aucune opération de ce type n'a eu lieu depuis 2016.

Faits

Une recherche sur Google permet de retrouver l'origine de l'extrait vidéo partagé sur les réseaux sociaux. Celui-ci a été posté le 11 juin 2016 par la chaîne de télévision australienne 7NEWS.

A l'époque, la Tasmanie, au sud de l'Australie, avait subi un épisode de précipitations extrêmes, entraînant des inondations historiques.

« Les habitants du sud de la Tasmanie veulent savoir pourquoi l'ensemencement des nuages a été effectué la veille des graves inondations qui ont frappé la région », indiquait alors la chaîne de télévision.

Le 5 juin 2016, l'entreprise publique Hydro Tasmania, active dans le secteur des énergies renouvelables, a effectué une opération d'ensemencement des nuages. Cette technique consiste à modifier la structure des nuages afin d'augmenter les précipitations dans une zone ciblée lorsque les prévisions météo annoncent de la pluie. Le but est de recueillir et stocker le surplus d'eau pour soutenir la production des centrales hydroélectriques, notamment en cas de sécheresse.

L'entreprise a eu recours à cette méthode depuis 1964, lit-on sur son site web. Toutefois, elle n'a plus effectué d'opération d'ensemencement après le 5 juin 2016. 

En juin 2016, le service météorologique australien avait enregistré plusieurs jours de pluie consécutifs en Tasmanie. En avril 2024, il avait également plu, mais bien moins qu'à l'époque.

Suspension du programme

Le dernier vol d'ensemencement, à moins de 24 heures des inondations dévastatrices, a suscité de vives critiques. Dans la région visée, où deux bassins versants ont été inondés, de nombreux agriculteurs victimes de dégâts considérables ont pointé la responsabilité d'Hydro Tasmania.

Sommée de s'expliquer par le gouvernement, l'entreprise publique a diligenté une enquête indépendante, concluant que « le vol d'ensemencement de nuages ​​entrepris le 5 juin 2016 montre que l'opération n'a eu aucun impact mesurable sur les précipitations ».

Néanmoins, la société énergétique « a accepté d’entreprendre un examen complet de sa politique et de ses procédures d’ensemencement des nuages ​​pour garantir que les mesures appropriées soient prises dans le contexte de futures inondations potentielles », lit-on dans un communiqué du gouvernement.

Depuis lors, l'entreprise publique a suspendu son programme d'ensemencement, affirme-t-elle sur son site web.

Une recherche sur Google ne fait état d'aucune autre opération de ce type sur l'île depuis 2016.

Sollicité par la Deutsche Presse-Agentur (dpa) pour obtenir une confirmation, le gouvernement de Tasmanie n'a pas répondu à nos questions dans l'immédiat.

Technique controversée

L'ensemencement des nuages fait partie des techniques de géo-ingénierie, qui consistent à modifier délibérément le climat pour lutter contre le réchauffement climatique notamment.

Ces techniques divisent toutefois la communauté scientifique. D'aucuns redoutent les possibles effets indésirables de ces méthodes (principalement théoriques), dont les conséquences sur l'équilibre terrestre restent incertaines.

Dans les milieux conspirationnistes, il est courant que ces projets soient associés à la théorie des « chemtrails », comme on peut le constater dans les publications partagées sur les réseaux sociaux.

Maintes fois démentie, cette idée soutient que les traînées blanches visibles dans le sillage des avions résulterait de l'épandage de produits chimiques effectué dans le cadre d'opérations secrètes ou de manipulation du climat. La dpa a déjà vérifié de nombreuses fausses affirmations à ce sujet, comme ici ou encore ici.

(Situation au 11.04.2024)

Liens

Publications Facebook I, II (versions archivées I, II, vidéo archivée)

Séquence vidéo originale de 7News - Facebook (version archivée, vidéo archivée)

A propos des inondations de 2016 ABC, SBS (versions archivées I, II)

A propos de l'ensemencement des nuages (version archivée)

A propos du programme d'ensemencement d'Hydro Tasmania (version archivée)

A propos de la région du vol du 5 juin 2016 (version archivée)

A propos des bassins versants (version archivée)

Données météorologiques juin 2016

Données météorologiques avril 2024

Rapport d'Hydro Tasmania (version archivée)

Communiqué du gouvernement (version archivée)

Communiqué d'Hydro Tasmania (version archivée)

A propos de la géo-ingénierie I, II (versions archivées I, II)

A propos de la théorie des « chemtrails » I, II (versions archivées I, II)

Fact-check de la dpa I, II

À propos des fact-checks de la dpa

Ce fact-check a été rédigé dans le cadre du programme indépendant de vérification de Facebook/Meta. Plus d’informations au sujet de ce programme peuvent être trouvées ici. Pour en savoir plus sur la façon dont Facebook/Meta gère les comptes qui diffusent des informations erronées, cliquez ici.

Si vous avez des objections ou des remarques, merci de les envoyer à l'adresse factcheck-belgium@dpa.com en incluant un lien vers la publication Facebook concernée (voir le modèle à utiliser ici).

Pour plus d’informations sur la manière de soumettre une correction ou de contester une évaluation, veuillez vous référer à cette page.