Météo n'est pas climat

Les tendances climatiques s'inscrivent sur le temps long

Publié le 19.3.2024, 20:12 (CET)

Un pic de chaleur en février n'est pas nécessairement lié au réchauffement climatique. Parfois, il est simplement dû à un phénomène météorologique. Attention à ne pas faire l'amalgame.

En février 1958, la météo affichait une douceur exceptionnelle en France, avec des températures oscillant autour de 20°C dans plusieurs villes. Une preuve que le réchauffement climatique serait une invention contemporaine ?

C'est en tout cas ce que suggèrent des publications virales sur les réseaux sociaux. « En 1958, la planète se réchauffait et on nous en disait rien... », ironise une utilisatrice de Facebook, dont la publication a été partagée plus de 3.000 fois. « Mais chut », ajoute un autre sur X, comme s'il s'agissait d'une cabale. « Le grand foutage de gueule du réchauffement climatique », s'exclame un autre, sur un ton beaucoup plus franc. Mais ces allégations s'appuient sur un raisonnement erroné.

Evaluation

Les publications confondent la météo, soit le temps qu'il fait à un moment donné, et le climat, soit l'évolution de la météo à plus ou moins long terme (en général sur plusieurs décennies). La confusion entre les deux revient régulièrement dans la rhétorique climatosceptique.

Faits

Depuis mi-février 2024, de nombreux internautes partagent des relevés de températures flirtant avec 20°C dans plusieurs villes françaises en février 1958. Ces publications sont accompagnées d'une capture d'écran d'une coupure de presse de l'époque.

Une recherche d'image inversée sur Google permet de retrouver la trace de l'illustration sur le site web Meteo-Paris.com. Celui-ci a été fondé par le présentateur météo Guillaume Séchet. Sur X, il précise qu'il s'agit d'une archive du journal France Soir, datée du 16 février 1958.

A l'époque, une douceur inhabituelle avait effectivement enveloppé plusieurs villes de l'Hexagone, comme Paris, Lyon ou Biarritz. On peut le vérifier sur d'autres sites spécialisés dans les relevés météo, comme ici (à Paris) ou encore ici (pour d'autres villes).

Mais ces températures, certes particulièrement élevées pour un mois de février il y a plus d'un demi-siècle, n'invalident pas la thèse du réchauffement climatique.

Pic de chaleur ponctuel vs tendance à long terme

Comparer la météo de deux jours (par exemple, le 15 février 1958 et le 15 février 2024) ou de deux mois particuliers à des années d'intervalle n'a aucun sens d'un point de vue climatique.

Pour obtenir des résultats suffisamment robustes, les climatologues évaluent des données sur plusieurs décennies, en général au moins 30 ans. « Sinon l'analyse est biaisée par la variabilité propre du climat », avait déjà expliqué le climatologue de l'Université de Liège, Sébastien Doutreloup, dans un précédent fact-check de la Deutsche Presse-Agentur (dpa).

Les poussées du mercure en plein hiver ne sont pas nécessairement liées au réchauffement climatique. Parfois, elles sont simplement le fait de facteurs météorologiques, comme par exemple l'arrivée en Europe d'une masse d'air chaud en provenance d'Afrique du Nord. Ce phénomène est courant et donc pas anormal s'il reste ponctuel.

Ce n'est que si ces épisodes plus doux se répètent sur le temps long qu'ils dessinent alors une tendance climatique.

Si l'on considère les statistiques à long terme, le constat est assez clair. En France métropolitaine, l'hiver 2023-2024 termine au troisième rang des hivers les plus chauds jamais mesurés, avec une température moyenne supérieure à la normale d'environ 2°C, selon le dernier bilan hivernal de Météo France.

Cet hiver se classe derrière ceux de 2019-2020 (en première position, avec +2,3°C) et 2015-2016 (deuxième position, avec +2,1°C). En quatrième position, on retrouve l'hiver 1989-1990 (+1,6°C), puis en cinquième position les hivers 2006-2007 et 2013-2014, ex-aequo (avec +1,4°C).

Cela signifie que depuis le début des mesures en 1900, sur les six hivers les plus chauds, cinq ont eu lieu au cours des 20 dernières années.

Des hivers de plus en plus doux

Avec le réchauffement climatique, la hausse des températures moyennes en hiver devrait se poursuivre. Les modèles climatiques sont unanimes. Les récents hivers doux devraient dès lors devenir la norme, lit-on notamment ici.

En hiver, les projections de Météo France prévoient, par exemple, une diminution du nombre de jours de gel et de jours anormalement froids. Idem pour la neige ; celle-ci deviendra de plus en plus rare.

Cela étant, les épisodes de grand froid resteront possibles. Les projections de Météo France indiquent que même si le nombre de jours de vagues de froid est attendu en baisse, certaines régions en connaîtront encore cinq ou six par an.

(Situation au 19.03.2023)

Liens

Publications Facebook I, II (versions archivées I, II)

Publication X (version archivée)

Recherche d'image inversée (version archivée)

Article publié sur Meteo-Paris.com (version archivée)

A propos de Guillaume Séchet (version archivée)

Publication X de Guillaume Séchet (version archivée)

Relevés des températures de février 1958 I, II, III (versions archivées I, II, III)

A propos de la différence entre météo et climat (version archivée)

A propos de Sébastien Doutreloup (version archivée)

Fact-check de la dpa

A propos d'un record de chaleur en hiver - RTBF (version archivée)

A propos de l'hiver 2023-2024 en France - Météo France (version archivée)

A propos des épisodes de douceur hivernale - Météo-Paris.com (version archivée)

A propos des projections de Météo France I, II (versions archivées I, II)

A propos des périodes de grand froid - Ouest-France (version archivée)

À propos des fact-checks de la dpa

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