Une fausse déclaration attribuée à l'OMS sur la polio

D'après une publication partagée sur Facebook, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) aurait reconnu que l'un des vaccins financés par le milliardaire américain Bill Gates propagerait la poliomyélite, dite polio, sur le continent africain. Mais est-ce bien vrai ?

Evaluation

Non, le vaccin contre la polio n'est pas responsable d'une quelconque propagation de la maladie en Afrique.

Faits

On ne trouve aucun communiqué soutenant ces affirmations sur le site officiel de l'OMS. Le dernier texte publié au sujet de la poliomyélite date du 11 octobre 2023 et porte sur un nouveau partenariat de financement visant à éradiquer la maladie.

Le site de l'OMS contient également une page reprenant une série d'informations sur la poliomyélite. Mais on n'y retrouve pas non plus trace des affirmations formulées sur les réseaux sociaux, qui sont infondées.

La poliomyélite, c'est quoi ?

La poliomyélite (couramment appelée polio) est une maladie très contagieuse qui touche principalement les enfants de moins de cinq ans et qui est provoquée par un virus attaquant le système immunitaire. La transmission se fait principalement par voie féco-orale. La personne contaminée risque une paralysie flasque aigüe en quelques heures. Une infection sur 200 entraîne une paralysie irréversible. D'après l'OMS, la maladie est totalement éradiquée en Europe, en Amérique et en Océanie. Une situation rendue possible grâce à la vaccination.

Mais dans certains endroits du monde, elle n'a pas totalement disparu. C'est notamment le cas du Pakistan et de l'Afghanistan. A l'heure actuelle, il n'y a donc plus d'épidémie de polio en Afrique. A noter que tous les pays restent exposés au risque de contamination tant que la maladie n'a pas complètement été éradiquée dans le monde.

Prévention

Il n'existe aucun remède contre la polio, on peut seulement la prévenir. En 1988, l'Assemblée mondiale de la Santé a adopté une résolution pour l'éradication mondiale de la polio. Notamment soutenue par la Fondation Bill & Melinda Gates, cette démarche a porté ses fruits puisque l'incidence de la polio dans le monde a selon l'OMS diminué de 99 %. D'après l'organisation, on est ainsi passé de 350 000 cas dans 125 pays à seulement deux pays endémiques. Il est donc faux d'écrire : « Ils ont injecté le vaccin aux gens, puis ils ont créé la polio, et maintenant elle se propage dans plusieurs pays. »

Vaccins contre la polio

Comme l'explique l'Institut Pasteur, il existe deux types de vaccins pour lutter contre la polio : le vaccin poliomyélite injectable (VPI) a été développé par Jonas Salk dans les années 1950. Composé de virus inactivés, il nécessite plusieurs injections et des rappels réguliers. Ce vaccin doit également être injecté dans des conditions d'hygiène irréprochables. Le VPI est un vaccin qui a fait ses preuves mais son prix et les conditions d'injection ont longtemps été un frein à son utilisation.

A côté du VPI, il y a le vaccin poliomyélitique oral (VPO), développé également dans les années 50, par Albert Sabin. Le VPO contient des poliovirus vivants mais atténués par des mutations. Ce vaccin est plus facile à administrer que le VPO, il confère plus rapidement une immunité générale et son prix est nettement plus abordable. Toutes ces caractéristiques font que le VPO est le vaccin le plus utilisé dans le programme d'éradication de la maladie.

Il comporte toutefois des inconvénients liés à ceux des vaccins vivants, poursuit l'Institut Pasteur. Lorsqu'un enfant est vacciné avec le VPO, le virus vaccinal se réplique dans l'intestin pendant une période limitée. Une période durant laquelle ce virus vaccinal va être excrété. Dans le cas où une population est sous-immunisée, ce virus peut continuer à circuler pendant une période plus prolongée. Il va alors muter et devenir dangereux avec un risque de paralysie. C'est ce qu'on appelle un poliovirus circulant dérivé d'une souche vaccinale.

Le cas du Soudan

Ce dernier a notamment été détecté au Soudan en décembre 2022. En mars 2023, l'Unicef a fait savoir que le risque de polio avait augmenté dans le pays après qu'un enfant a été testé positif au poliovirus. La réponse vaccinale à l'échelle nationale a permis d'arrêter la transmission, s'est félicitée l'agence onusienne.

Contrairement à ce qu'affirme la publication Facebook, il ne s'agissait pas ici d'une épidémie vaccinale sur tout le continent africain. L'Unicef explique ainsi : « Les épidémies de polio surviennent lorsqu'un nombre insuffisant d'enfants bénéficient de la protection dont ils ont besoin contre le poliovirus (...) Les enfants vivant dans des zones à fort mouvement de population, avec un accès limité à l'eau potable et aux installations sanitaires à proximité des frontières internationales courent un risque particulièrement élevé d'infection, ce qui peut entraîner une paralysie à vie. »

Pour l'OMS, le problème ne vient pas du vaccin lui-même mais de la faible couverture vaccinale. L'organisation estime en effet que si une population est correctement vaccinée, elle sera protégée contre les poliovirus sauvages et les dérivés d'une souche vaccinale.

(Situation au 16.02.2024)