Interprétation trompeuse
L'OMS promeut le concept One Health contre les pandémies
Publié le 13.2.2024, 13:58 (CET)
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) promeut la protection de la santé au niveau mondial. Parmi ses missions, elle compte l'amélioration de la lutte contre les maladies infectieuses. Mais lorsque la pandémie de Covid-19 a éclaté, l'organisation onusienne a été accusée d'avoir déclenché l'état d'urgence tardivement. C'est pourquoi ses 194 Etats membres ont décidé de plancher sur un nouvel instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et la riposte face aux éventuelles futures pandémies.
Depuis son lancement, le projet charrie néanmoins toutes sortes de fantasmes et spéculations. Sur les réseaux sociaux, des publications affirment notamment que l'OMS exigerait « des pouvoirs élargis pour surveiller la santé de chaque homme, femme et enfant » ainsi que celle des animaux domestiques et écosystèmes. Mais ces allégations sont-elles fondées ?
Evaluation
Non, la rumeur provient d'un site web bien connu pour distordre la réalité. Le projet d'accord, toujours en discussion, soutient l'approche « One Health » afin de mieux prévenir et appréhender l'apparition de nouveaux pathogènes. Il n'est pas question pour l'OMS d'instaurer un système de surveillance de masse.
Faits
Les publications partagées sur les réseaux sociaux renvoient à un article publié le 1er février 2024 sur The People's Voice, un site web vecteur de fausses informations visant principalement les élites et organisations mondiales, comme l'OMS ou le Forum économique mondial (WEF).
Dans ce cas-ci, l'article prend pour cible le futur traité international de prévention des pandémies. Un cheval de Troie, selon The People's Voice, qui permettrait à l'OMS d'accroître ses pouvoirs et de surveiller étroitement la « santé humaine, animale et des écosystèmes ». « Vous surveiller vous et votre famille ne leur suffit pas, ils envisagent également de contrôler vos animaux de compagnie », prétend l'article.
Pour appuyer ses allégations, le site se fonde sur une version du projet d'accord, datée de février 2023.
Promotion de l'approche « One Health »
Une recherche par mot-clé révèle que la formulation « santé humaine, animale et des écosystèmes » y apparaît plusieurs fois.
On la retrouve en préambule, à l'alinéa 26, dans le cadre de la réaffirmation de l'approche pluridisciplinaire « One Health » (Une seule santé, en français). Selon la définition approuvée par plusieurs agences des Nations unies, ce principe « reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante ».
Ce concept revient à plusieurs reprises dans le texte. Il est décrit dans le chapitre II (article 4, alinéa 14), qui définit les objectifs et le champ d'application du projet d'accord. Puis il est développé dans le chapitre V, à l'article 18, qui énonce les différents engagements inhérents au principe « One Health ».
Cette approche vise à favoriser des collaborations entre acteurs de la santé publique, animale, végétale et environnementale afin de mieux prévenir et appréhender l'émergence de nouveaux pathogènes.
Mais nulle part, il n'est question d'octroyer davantage de pouvoirs à l'OMS pour traquer la santé des individus ou de leurs animaux de compagnie, comme l'insinuent à tort The People's Voice et certains internautes.
Le texte préliminaire stipule par ailleurs que la mise en oeuvre de l'accord ne peut se faire que dans « le plein respect de la dignité, des droits humains et des libertés fondamentales des personnes. »
Garantie de la souveraineté de l'Etat
Plus loin dans l'article, The People's Voice suggère encore que l'OMS tenterait, à travers ce projet d'accord sur les pandémies, de convaincre les Etats de céder leur souveraineté. Ce qui, selon certains internautes, conférerait le droit de rédiger des « lois internationales » à Bill Gates, important contributeur au budget de l'OMS via sa fondation Bill & Melinda Gates.
Or c'est faux. Le projet d'accord réaffirme la souveraineté de chaque Etat à plusieurs reprises.
L'OMS le précise également sur son site web : ce sont les Etats membres (et donc les gouvernements) qui fixeront les dispositions de ce nouveau traité, le moment venu. Et s'il est adopté, ce sont eux qui prendront les mesures nécessaires en tenant compte de leurs propres lois et règlements.
Prétexte à désinformer
Bien que le texte préliminaire ne soit pas exempt de critiques, il suscite toutefois bon nombre de raccourcis et interprétations erronées sur les réseaux sociaux, comme on peut le lire ici ou encore ici.
En mars dernier, le patron de l'OMS a tenu à y réagir. Piqué au vif par une publication d'Elon Musk sur X, soutenant à tort que les Etats céderaient du pouvoir à l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus a déclaré qu'il s'agissait d'une « fausse information ». « Aucun pays ne cédera sa souveraineté à l'OMS », a-t-il assuré dans un communiqué.
(Situation au 13.02.2024)
Liens
A propos du Traité sur les menaces de pandémies (version archivée)
Publications Facebook I, II (versions archivées I, II)
Publication X (version archivée)
Article de People's Voice (version archivée)
A propos de People's Voice - Conspiracy Watch (version archivée)
Projet d'accord - février 2023 (version archivée)
Définition de l'approche One Health (version archivée)
A propos de l'approche One Health I, II (versions archivées I, II)
A propos de la contribution de Bill Gates au budget de l'OMS - Le Monde (version archivée)
A propos de la souveraineté des Etats - OMS (version archivée)
A propos des critiques sur le projet d'accord I, II (versions archivées I, II)
A propos des fausses rumeurs sur le projet d'accord I, II (versions archivées I, II)
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