Raisonnement fallacieux
De moins en moins de neige dans l'hémisphère nord
Publié le 22.3.2023, 14:14 (CET), mis à jour le 22.3.2023, 15:02 (CET)
Nombre d'internautes prétendent, sur Facebook et Twitter notamment, que « l'étendue de neige dans l'hémisphère nord » est quasi identique à celle qui prévalait il y a 50 ans. Selon ces publications, l'augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère - principale cause du dérèglement climatique - n'y changerait rien. La neige tomberait toujours en abondance dans cette partie du globe. Mais cette allégation est-elle correcte ?
Évaluation
Cette affirmation est fausse. Comme l'expliquent deux climatologues à la dpa, les tendances observées sur plusieurs décennies montrent que le manteau neigeux tend à décliner dans l'hémisphère nord. Ce phénomène, décrit dans plusieurs études et synthétisé dans le sixième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), s'observe plus particulièrement au printemps. Parallèlement au couvert neigeux, la masse de neige tend également à diminuer.
Faits
Les publications relayant cette fausse information s'appuient sur deux images du Global snow lab de l'Université Rutgers, aux États-Unis, spécialisé dans l'étude de l'enneigement au niveau mondial. Sur la première d'entre elles, on peut voir qu'en janvier 2023 pas moins de 46,27 millions de km2 étaient recouverts de neige dans l'hémisphère nord.
La deuxième montre l'étendue de neige 50 ans plus tôt : on y voit qu'en janvier 1973, celle-ci recouvrait une superficie comparable de 46,25 millions de km2 dans la même partie du globe.
Mais peut-on, sur base de ce simple constat, remettre en cause le réchauffement climatique ?
Comme l'explique à la dpa le climatologue de l'Université de Liège Sébastien Doutreloup, « en climatologie, il faut étudier les tendances sur plusieurs décennies, sinon l'analyse est biaisée par la variabilité propre du climat ». En d'autres termes, on ne peut comparer deux phénomènes météorologiques ponctuels (comme la couverture neigeuse mesurée lors de deux mois de janvier, par exemple). « Une vraie analyse doit prendre en compte tous les mois entre l'année X et Y pour voir la réelle tendance », précise-t-il.
Concernant la couverture de neige dans l'hémisphère nord, « les observations montrent une décroissance durant les dernières décennies au printemps (avril) », souligne le climatologue Hugues Goossens de l'Université catholique de Louvain. « Les changements de couverture de neige sont moins clairs au cœur de l’hiver. Malgré le réchauffement global, janvier reste un mois très froid et donc la présence de neige est possible dans de nombreuses régions. Par contre, en avril, le réchauffement a fait basculer de nombreuses régions vers des températures plus souvent positives, qui empêchent la neige de tenir longtemps au sol, d’où la tendance plus claire pour ce mois (et la tendance vers des périodes de couverture de neige plus courtes) », ajoute-t-il.
Ces observations, on peut notamment les retrouver sur le site web dédié aux informations climatiques de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA).
Le GIEC en fait également mention dans son sixième rapport d'évaluation, publié en 2021. Le groupe d'experts y affirme avec un « degré élevé de certitude » que le manteau neigeux tend à diminuer dans l'hémisphère nord, particulièrement au printemps.
L'étendue n'équivaut pas à la quantité
En comparant uniquement la couverture de neige, les publications partagées sur les réseaux sociaux sèment par ailleurs le doute sur la quantité. « Ce qui est analysé ici c'est l'étendue de la couverture de neige, cela ne dit strictement rien sur la quantité », relève le climatologue Sébastien Doutreloup.
Car si le niveau d'enneigement peut varier très fort d'une année à l'autre en raison des fluctuations du climat, la masse de neige tend elle aussi à décliner dans l'hémisphère nord, ajoute-t-il. Ceci est notamment démontré dans cette étude, publiée dans la revue scientifique The Cryosphere, en 2020.
Lorsque la couverture de neige augmente ponctuellement à certaines périodes ou dans certaines régions, « c'est simplement parce que l'atmosphère est plus chaude (à cause du réchauffement climatique). Par conséquent, elle peut accueillir plus d'humidité et donc plus de précipitations potentiellement neigeuses si la température de l'air est égale ou inférieure à 0°C. Mais même si la température hivernale se réchauffe fortement sur l'hémisphère nord, elle ne passe pas encore la barre de 0°C partout. On peut donc encore localement avoir une étendue de neige plus vaste que dans le passé, même si cette neige est moins épaisse et dure moins longtemps », explique Sébastien Doutreloup.
Raisonnement simpliste et fallacieux
Les fausses informations entretenant le doute sur le dérèglement climatique sont légion sur les réseaux sociaux. Elles visent bien souvent à décrédibiliser des résultats scientifiquement validés par le biais de raisonnements simplistes et fallacieux.
Leurs auteurs usent généralement du même procédé. En comparant des phénomènes météorologiques ponctuels, ils établissent un lien erroné entre ceux-ci, sans tenir compte des évolutions climatiques observées sur le long terme.
Cette stratégie récurrente a déjà fait l'objet de plusieurs vérifications, dont une de l'AFP sur la couverture neigeuse également (ici) et l'autre de la dpa sur la superficie de la banquise arctique (en néerlandais, ici).
Remarque : un lien défectueux a été remplacé ultérieurement
(Situation au 22.03.2023)
Liens
Publication Facebook (version archivée)
Publication Twitter (version archivée)
Global slow lab de l'Université Rutgers (version archivée)
Illustration originale janvier 2023 (version archivée)
Illustration originale janvier 1973 (version archivée)
A propos du climatologue Sébastien Doutreloup (version archivée)
A propos de la couverture de neige dans l'hémisphère nord (version archivée)
Sixième rapport d'évaluation du GIEC (version archivée)
Site web du GIEC (version archivée)
Étude sur la masse de neige (version archivée)
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