Vidéo hors contexte

Les séismes en Turquie sont d'origine naturelle

Publié le 14.02.2023, 14:09 (CET)

Les réseaux sociaux sont inondés d'images illustrant les terribles séismes qui ont touché la Turquie et la Syrie. La catastrophe est réelle, mais les informations à son sujet ne le sont pas toujours.

Des vidéos enregistrées par des caméras de surveillance permettraient d'établir que les tremblements de terre de février 2023 en Turquie ne sont pas d'origine naturelle. Partagées sur les réseaux sociaux, les vidéos montrent des éclairs dans le ciel juste avant les séismes. Dans ces publications, HAARP, un programme de recherche américain, est pointé du doigt comme responsable des phénomènes lumineux et des séismes qui s'en sont suivis. Cette catastrophe peut-elle avoir été provoquée par des humains ?

Évaluation

Les tremblements de terre survenus en Turquie et en Syrie sont le résultat naturel du mouvement des plaques tectoniques. Les vidéos des caméras de surveillance présentées comme une preuve de l'artificialité des séismes sont celles d'un autre tremblement de terre. De plus, le projet HAARP n'a pas la capacité de provoquer des séismes ou toute autre catastrophe naturelle.

Faits

Le 6 février 2023, la Turquie et la Syrie ont été frappées par de violents séismes. L'événement a entraîné un flot continu d'informations, parfois mélangé à de la désinformation.

Certains internautes utilisent des vidéos filmées par des caméras de surveillance pour démontrer que les séismes ont été provoqués de manière artificielle. On y voit des éclairs traverser le ciel, ce qui présagerait un tremblement de terre. En regardant dans le coin supérieur gauche de la vidéo, on peut lire l'année : 2022. Les images montrent en fait un tremblement de terre survenu le 23 novembre 2022 dans la province de Düzce, à l'ouest de la Turquie.

Lorsque ce séisme du mois de novembre 2022 s'est produit, certaines personnes se sont interrogées quant à ces éclairs. Le professeur Ali Pinar, de l'Institut de recherche sur les tremblements de terre de Kandilli, a expliqué aux médias turcs que ces phénomènes de lumière dans le ciel, comme ceux observés dans les vidéos, peuvent arriver en cas de tremblement de terre. Ils seraient causés par l'énergie sismique et la libération d'une forte chaleur.

Toutefois, cette théorie des « lumières sismiques » avancée par Ali Pinar ne semble pas faire consensus au sein de la communauté scientifique. D'après l’Institut d'études géologiques des États-Unis (USGS), les opinions diffèrent à ce sujet, certains jugeant les preuves insuffisantes pour confirmer cette théorie.

L'Institut fédéral de géosciences et de ressources naturelles allemand (BGR) a indiqué à la dpa que le phénomène des lumières sismiques a été constaté de manière occasionnelle par le passé. Cependant, la possibilité que ces « lumières sismiques » soient directement déclenchées par les tremblements de terre fait l'objet d'études scientifiques. « Il est important de noter que la plupart des phénomènes lumineux qui se produisent pendant les tremblements de terre sont causés par la destruction de l'équipement d'alimentation électriques (poteaux électriques, sous-stations, etc.) », a souligné le BGR.

Région tectonique active

La situation géologique de la Turquie est un élément d'explication rationnel des tremblements de terre. Le pays s'étend en effet sur trois plaques tectoniques (anatolienne, eurasienne et arabique) qui se déplacent naturellement de quelques millimètres par an et se frottent alors les unes contre les autres.

Le géophysicien Oliver Heidbach, du Centre allemand de recherche géologique (GFZ), a expliqué à la dpa qu'un tremblement de terre survient lorsque les roches sont pressées les unes contre les autres, jusqu'à ce que la pression accumulée soit si importante qu'une faille se produise. La roche va ensuite se déplacer de façon saccadée, déclenchant alors des ondes sismiques et des secousses, détaille-t-il.

En 1999, cette même région avait été touchée par un séisme dans la ville d'Izmit, faisant 17 000 morts, dont 1 000 à Istanbul. 

Les séismes artificiels existent

D'après Oliver Heidbach, une activité sismique peut être provoquée par l'humain. C'est le cas notamment lors du forage du sol pour l'extraction de gaz ou de pétrole. Ce genre d'activité peut parfois provoquer des tremblements de terre, comme par exemple dans la ville de Groningue, aux Pays-Bas, où un séisme de magnitude 3,2 sur l'échelle de Richter a récemment été enregistré. Cette ville est sujette à ce genre de phénomène de par l'activité d'extraction gazière dans la région.

Oliver Heidbach précise toutefois que ce type de séisme est beaucoup plus léger que les tremblements de terre provoqués par le mouvement de plaques tectoniques. Le séisme le plus lourd provoqué par le forage gazier à Groningue était de magnitude 3,6, tandis que le premier tremblement de terre de février 2023 en Turquie était de magnitude 7,8. Il a été suivi quelques heures plus tard d'un second séisme de force 7,5, ainsi que d'une centaine de répliques dont la force était supérieure à 4 sur l'échelle de Richter. Les tremblements de terre en Turquie et en Syrie étaient donc de nature tectonique. 

HAARP : c'est quoi ?

Sur les réseaux sociaux, des internautes suggèrent que les éclairs de lumière dans le ciel sont l’œuvre du High-frequency Active Auroral Research Program, connu sous l'acronyme HAARP. Un élément de temps permet de déconstruire cette affirmation : le phénomène des lumières sismiques a été observé des décennies avant l'arrivée du HAARP dans les années 1990.

Il s'agit d'un programme de recherche américain qui a pour objectif d'étudier l'ionosphère, c'est-à-dire « la couche supérieure de l'atmosphère terrestre ionisée par les rayons UV solaires ». Elle débute à environ 80 kilomètres de la surface de la terre et peut atteindre jusqu'à 1 000 kilomètres. À travers ce programme, les chercheurs s'intéressent aux effets sur la propagation des ondes radios dans cette partie de l'atmosphère.

HAARP ne peut pas provoquer de catastrophe naturelle

La dpa a déjà écrit au sujet du HAARP, un programme qui est souvent la cible de théories du complot. Certaines personnes l'accusent notamment, à tort, d'avoir une influence sur la météo.

Robert McCoy, le directeur de l'Institut de géophysique de l'Université de l'Alaska, a déclaré en 2021 que HAARP n'enquête que sur une zone définie de l'ionosphère, de 100 kilomètres sur 100 kilomètres au-dessus de l'institut. Le domaine de recherche est donc loin d'affecter la Turquie et la Syrie. Il a aussi précisé que HAARP ne peut affecter aucun phénomène naturel, y compris les tremblements de terre.

Comme l'explique Oliver Heidbach à la dpa, les ondes radios ne peuvent pas produire de mouvement rocheux dans la croûte terrestre, et donc pas de changement de pression. Par conséquent, elles ne peuvent pas déclencher un tremblement de terre.

De plus, poursuit le professeur, le système utilisé par HAARP est de 3,6 mégawatts, ce qui représente la puissance de 3 600 grille-pains. Une force bien trop faible par rapport à celle nécessaire pour déclencher un séisme.

(Situation au 14.02.2023)

Liens

Publication Facebook I (version archivée, vidéo archivée)

Publication Facebook II (version archivée)

À propos des séismes du 6 février (version archivée)

À propos du séisme de Düzce (version archivée)

Biographie Ali Pinar (version archivée)

Ali Pinar au sujet des lumières (version archivée)

L'USGS sur les lumières sismiques (version archivée)

À propos du BGR (version archivée)

À propos du GFZ (version archivée)

À propos d'Oliver Heidbach (version archivée)

À propos du séisme de 1999 en Turquie (version archivée)

À propos du séisme à Groningue 2022 (version archivée)

À propos du séisme à Groningue 2012 (version archivée)

À propos du séisme en Turquie et en Syrie (version archivée)

Répliques en Turquie et en Syrie (version archivée)

À propos d'HAARP (version archivée)

Découverte des lumières sismiques (version archivée)

FAQ HAARP (version archivée)

À propos de l'ionosphère (version archivée)

Fact-check de la dpa sur HAARP

Robert McCoy par Climat Feedback (version archivée)

À propos des fact-checks de la dpa

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