Banque centrale européenne

L'euro numérique en complément de l'argent liquide

Publié le 16.12.2022, 16:26 (CET)

Un euro numérique remplacera-t-il les espèces dans quelques années ? Cette affirmation circule largement sur les réseaux sociaux. Ce n’est pourtant pas ce qu’a annoncé la Banque centrale européenne.

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), aurait annoncé la fin de l’euro sous forme de pièces et de billets pour 2027. À la place, l’utilisation d’une monnaie numérique serait généralisée. Ces affirmations sont partagées sur les réseaux sociaux - notamment sous forme de vidéo - depuis début décembre, certains internautes y voyant une tentative des autorités de mieux « contrôler » la population.

Évaluation

La BCE étudie bien la possibilité de lancer un euro numérique dans les années à venir, mais celui-ci viendrait en complément des espèces, et non en remplacement. Christine Lagarde n’a pas annoncé la fin de l’argent fiduciaire (les pièces et les billets) d’ici 2027.

Faits

La Banque centrale européenne, responsable de la politique monétaire dans la zone euro, planche sur un projet d’euro numérique depuis 2021. Comme l’explique la BCE sur son site, cette monnaie « serait équivalente aux espèces, mais sous forme électronique ». Le but serait d’offrir une option de paiement supplémentaire aux citoyens européens, à l’heure où les transactions électroniques sont de plus en plus monnaie courante.

L’euro numérique serait distinct des crypto-actifs (communément appelés cryptomonnaies) et de la monnaie privée, c'est-à-dire celle proposée par les banques commerciales comme ING ou Belfius et que l'on conserve sur nos comptes bancaires. En plus d'utiliser de la monnaie fiduciaire et/ou de la monnaie de banque privée, les citoyens auraient ainsi la possibilité de posséder un compte supplémentaire qui serait en monnaie numérique de banque centrale.

Puisque la Banque centrale européenne détient le monopole sur la monnaie de l’UE, l’euro numérique pourrait être considéré comme plus stable et plus fiable que les autres monnaies, car sa valeur serait garantie. Il pourrait aussi être un moyen de faciliter les paiements transfrontaliers, de diminuer les coûts liés au paiement par carte ou encore de lutter contre le blanchiment d’argent, analyse pour la dpa Mikael Petitjean, professeur de finance à l’Université catholique de Louvain et à l'IESEG School of Management.

Pour l’instant, le projet en est toujours à sa phase d’étude, qui devrait se conclure en octobre 2023. L’année 2027 a en effet été évoquée comme possible date de lancement, mais ce calendrier est sujet à changement.

En complément des espèces

Contrairement à ce que certains affirment sur les réseaux sociaux, la Banque centrale européenne n’a jamais annoncé la fin de l’euro en espèces. Il en va de même pour Christine Lagarde, sa présidente. Celle-ci a donné des interviews à ce sujet par le passé, comme ici sur la chaîne de télévision française BFMTV en 2021 - dont un extrait figure dans la vidéo Facebook. Mais elle se contente d’y présenter le projet d’euro numérique. À aucun moment elle ne dit que l’argent liquide va disparaître.

L’objectif affiché actuellement par la BCE est à l’inverse de faire cohabiter l’argent fiduciaire et l’euro numérique. « Les espèces resteront disponibles dans la zone euro. Un euro numérique existerait parallèlement aux espèces, pour répondre à la demande croissante des consommateurs, qui souhaitent disposer de moyens de paiement électroniques rapides et sûrs », souligne l’institution monétaire européenne.

Il s’agit également de la position de la Banque nationale de Belgique. Contactée par la dpa, celle-ci a précisé que sa mission est « d’assurer un fonctionnement sûr et adéquat tant de l’argent liquide que de la monnaie numérique ».

« Cette monnaie numérique de banque centrale n’est pas là pour remplacer actuellement la monnaie fiduciaire mais comme un complément qui va être apporté au citoyen, et ce sera son choix », abonde Mikael Petitjean.

Selon lui, supprimer les espèces au profit de l’euro numérique reviendrait pour la BCE à « se tirer une balle dans le pied », puisque le monde n’est aujourd’hui « pas dominé par l’euro mais par le dollar ». Sans compter que tous les citoyens européens ne sont pas bancarisés, et que certains États membres restent encore très attachés à la monnaie fiduciaire.

Dans un monde qui se numérise de plus en plus, il n’est pas impossible d’imaginer un avenir où notre société a évolué vers des paiements 100 % numériques. Mais ce scénario n’est pas encore à l’ordre du jour dans l'UE.

Un instrument de contrôle ?

Une autre question qui inquiète quant à la création d’un euro numérique est le respect de la vie privée et des données personnelles des utilisateurs potentiels.

C’est d’ailleurs un point qui a été mis en avant par la Commission nationale de l'informatique et des libertés en France (CNIL). Celle-ci estime qu’un « standard très élevé de confidentialité et de protection des données » devra être respecté, notamment pour garantir la confiance des utilisateurs, qui devront eux conserver « la liberté de choisir leur moyen de paiement ».

Sous un régime omnipotent, une monnaie numérique pourrait en effet constituer un outil potentiel de contrôle et de surveillance, convient Mikael Petitjean. Tout est en fait « lié au fonctionnement démocratique de nos institutions », observe-t-il.

A contrario, l’euro numérique pourrait représenter d’après lui « un outil de sécurité et de stabilité ». « Ce n’est pas parce qu’on va mettre en place ce projet de monnaie numérique qu’il viendra dégrader la santé démocratique de nos institutions », poursuit Mikael Petitjean.

Au-delà du respect de la vie privée, une généralisation d’un euro numérique poserait aussi la question de l’impact sur le travail au noir ou sur les transactions entre particuliers. Les conséquences d’un tel projet restent donc encore à déterminer.

(Situation au 16.12.2022)

Liens

Publication Facebook 1/2 (version archivée)

Publication Facebook 2/2 (version archivée - vidéo archivée)

À propos de la BCE (version archivée)

Projet d’euro numérique 2021 (version archivée)

À propos de l’euro numérique (version archivée)

Différence cryptomonnaies et euro numérique (version archivée)

Différence monnaie privée et euro numérique (version archivée)

Mikael Petitjean (version archivée)

Calendrier phase d’étude (version archivée)

Calendrier introduction 1/2 (version archivée)

Calendrier introduction 2/2 (version archivée)

Interview Christine Lagarde sur BFMTV 2021 (version archivée - vidéo archivée)

FAQ euro numérique (version archivée)

À propos de la Banque nationale de Belgique (version archivée)

Craintes liées à la vie privée (version archivée)

Enjeux sur la vie privée – CNIL (version archivée)

« Économie souterraine » et euro numérique (version archivée)

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