Couverture truquée
Une fausse Une de Charlie Hebdo
Publié le 16.11.2022, 17:24 (CET)
Cette supposée Une de Charlie Hebdo, notamment partagée sur Instagram, est une caricature de Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, ancien président brésilien qui a de nouveau été élu pour diriger le pays à l'issue des dernières élections, fin octobre 2022. Sur l'image, ce dernier est en train de pincer les fesses d’une femme, censée représenter la justice. En titre, on lit : « Confirmé : le Suprême Brésilienne c’est une merde (sic). »
Évaluation
Cette soi-disant Une de Charlie Hebdo est en réalité le fruit d’un montage. On ne la retrouve nulle part sur le site du journal satirique, qui répertorie depuis 2015 toutes ses couvertures publiées. Une recherche plus approfondie permet également de se rendre compte que l'image a été montée de toutes pièces.
Faits
En plus de la caricature de Lula, le bâtiment du Tribunal suprême fédéral (STF) brésilien est représenté sur la gauche de l'image. Cette instance, la plus haute juridiction du pays, est plusieurs fois montée au créneau pour faire face à Jair Bolsonaro, le président sortant.
La femme à côté de Lula, munie d'une épée et d'une balance symbole de la justice, a également un bandeau sur les yeux. Une caricature qui pourrait vouloir suggérer que Lula a la justice brésilienne dans la poche. Le dessus de l'image est occupé par l'en-tête d'une première page de Charlie Hebdo.
Sauf que plusieurs éléments permettent de se rendre compte qu'il ne s'agit pas d'une couverture publiée par le journal, connu pour ses caricatures qui créent souvent la controverse.
Premièrement, cette prétendue Une de Charlie Hebdo est introuvable dans les archives du journal, qui regroupe depuis décembre 2015 l'ensemble de ses couvertures sur son site internet.
Ensuite, l'en-tête de la couverture visible sur Instagram n'est pas accompagné d'une caricature de Lula dans la couverture d'origine de Charlie Hebdo. Tout en haut de la fausse Une, on peut entre autres lire : « Enquête : les paradis fiscaux de Bernard Arnault. »
Cette enquête existe bel et bien, comme l'avait déjà constaté l’AFP dans un fact-check en portugais publié en 2021. Elle provient d’une couverture de Charlie Hebdo dans une édition du journal parue en septembre 2012. L’AFP l’avait d’ailleurs prise en photo à l'époque.
Cette Une avait en effet fait polémique en raison de la décision de Charlie Hebdo de publier une caricature du prophète Mahomet, un débat récurrent pour l'hebdomadaire. Cette couverture ne figure pas dans les archives disponibles sur le site du journal, puisqu'elle est antérieure à 2015.
L'en-tête de cette couverture de septembre 2012 correspond à celui qui accompagne la caricature de Lula sur Instagram. Cette dernière a donc été rajoutée par la suite, afin de faire croire à une Une de Charlie Hebdo.
Caricature recyclée
Une recherche d'image inversée sur Google permet de retrouver l’origine de cette caricature. Elle a notamment été publiée en juillet 2015, dans une version différente, sur un site péruvien, Perù21. Ici, l'homme dessiné n'est pas Lula, mais l’ancien président du Pérou, Alan Garcia. Il n’y a pas non plus de représentation du bâtiment du STF brésilien, qui a donc été ajouté par la suite à la supposée Une de Charlie Hebdo diffusée sur Instagram.
Un dernier élément enfonce le clou : le titre au français très douteux. En plus de la formulation étrange qui laisse supposer que la phrase n'a pas été écrite par une personne francophone, on remarque également une faute d’accord assez frappante, « Le Suprême Brésilienne », ainsi que le B majuscule.
Les fausses Unes ne sont pas rares sur les réseaux sociaux, comme l'a déjà expliqué la dpa par le passé. Le plus souvent, les auteurs de ces couvertures truquées se basent sur une Une authentique avant d'y ajouter des éléments de leur invention.
(Situation au 16.11.22)
Liens
Publication Instagram (version archivée)
Jair Bolsonaro et le STF (version archivée)
Archives de Charlie Hebdo (version archivée)
Fact-check de l'AFP (version archivée)
Photo de l'AFP (version archivée)
Controverse Charlie Hebdo (version archivée)
À propos des fact-checks de la dpa
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