Énergie

Pas de peine de prison pour les gloutons dans l’Union

Publié le 15.09.2022, 10:59 (CEST)

En cas de pénurie grave de gaz, les Suisses pourraient s’exposer à des sanctions s’ils ne respectent pas certaines restrictions. Il n’en est actuellement pas question dans l’UE.

« Prochainement en Europe !!! », affirme une « communauté » sur Facebook, en assurant que « ceux qui chaufferont trop leur maison pourraient risquer jusqu'à 3 ans de prison et jusqu'à 3000 € d'amende ».

Évaluation

L’auteur du message prend des vessies pour des lanternes : il parle en réalité de deux projets d’ordonnance en Suisse, un pays non-membre de l’Union européenne, et omet de préciser qu’ils sont actuellement soumis à consultation en Helvétie, jusqu’au 22 septembre – aucune décision n’a encore été prise, donc.

Faits

Le message est trompeur, qui annonce qu’en raison de la crise énergétique provoquée par le conflit en Ukraine, dans « les bâtiments chauffés au gaz, la température intérieure ne devra pas dépasser 19 degrés, l’eau chaude ne pourrait plus être chauffée qu’à 60 degrés. Merci L'union Européenne (sic) ».

La Suisse, pays farouchement opposé à son adhésion à l’Union européenne (UE), a volontairement aligné sa position sur celle de l’UE, en matière de sanctions décrétées contre la Russie. L’affirmation « Merci, l’Union européenne », n’est donc pas justifiée.

Il en va de même pour d'autres affirmations contenues dans le message Facebook, qui se réfère à un article publié par le quotidien alémanique « Blick ». Cet article ne parle que de la situation en Suisse, pas du tout « en Europe ».

Le 31 août, le Conseil fédéral (gouvernement) suisse a lancé une consultation sur deux projets d’ordonnances concernant d’une part « les interdictions et les restrictions d’utilisation de gaz », d’autre part « le contingentement du gaz », qui pourraient être appliquées dans le pays au cas où une pénurie grave surviendrait. Le service de vérification des faits de la dpa s’est déjà intéressé au sujet.

Ces ordonnances ne prévoient pas de sanction pécuniaire en cas d’infraction, au contraire de la loi suisse « sur l’approvisionnement économique du pays » (LAP) sur laquelle elles se fondent.

Comme l’indique le « Blick », ceux qui enfreindraient délibérément et gravement les directives du gouvernement pourraient s’exposer, dans le pire des cas, à une peine d’emprisonnement pouvant atteindre trois ans ou à une sanction financière de 3 000 francs suisses – pas des euros, contrairement à ce qu’écrit l’auteur du message.

« 3 000 francs ou une peine de prison seraient des peines maximales pour des délits très graves dans une situation de grave pénurie d'un produit vital. Les infractions mineures, si elles étaient sanctionnées, le seraient évidemment beaucoup moins. Ce sont les principes d'un État de droit », déclare à la dpa Markus Spörndli, porte-parole du Département fédéral (ministère) de l’économie, de la formation et de la recherche.

Rien de tel n’est jusqu’à présent prévu à l’échelle de l’Union européenne, ce que reconnaît d’ailleurs un membre de la communauté « Je suis Belge et j’en ai marre de me faire taxer » sur Facebook, qui semble être l’auteur du message. « Je m’emporte trop vite », écrit-il dans les commentaires.

L’UE a adopté différentes mesures, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses conséquences sur le plan énergétique.

Le 5 août, les ministres de l’Énergie des Vingt-Sept ont, en particulier, adopté un règlement prévoyant une réduction - volontaire - de 15 % de la demande de gaz, par rapport à leur consommation moyenne au cours des cinq dernières années, entre le 1er août 2022 et le 31 mars 2023. De nombreuses exceptions sont toutefois prévues.

Le texte du règlement ne fait cependant aucune mention à une quelconque possibilité de sanctions à l’encontre des contrevenants.

Le 9 septembre, les Vingt-Sept ont par ailleurs réclamé des propositions de la Commission européenne dans quatre grands domaines, mais une fois de plus sans évoquer l’éventualité de sanctions : plafonnement des recettes des producteurs d’électricité, plafonnement des prix du gaz, réduction de la demande d’électricité, diminutions des liquidités.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a répondu à certaines de leurs demandes, le 14 septembre, au moment de prononcer devant le Parlement européen son traditionnel (annuel) discours sur l’état de l’Union.

Elle n’a jamais mentionné d’éventuelles sanctions.

Dans la foulée, la Commission a présenté ses propositions, qui devront être adoptées par les États de l’Union, relatives à « une intervention d’urgence sur le marché pour réduire les factures des européens ». Un règlement, directement applicable, est soumis à l’approbation des Etats membres de l’UE, dans ce contexte. Il ne contient aucune trace de pénalités contre les contrevenants, mais, notamment, un plafonnement des bénéfices enregistrés par les compagnies énergétiques.

En Belgique, un « plan d’urgence » visant à faire face à une éventuelle pénurie de gaz au cours de l’hiver 2022-2023 a également été établi.

Il toucherait en premier lieu les entreprises et les administrations, mais n’évoque pas non plus la possibilité de sanctions, notamment pécuniaires.

(Situation au 15.09.2022)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Sanctions suisses (version archivée)

Article Blick (version archivée)

Ordonnance suisse 1 (version archivée)

Ordonnance suisse 2 (version archivée)

Fact-check de la dpa

Sanctions UE (version archivée)

Règlement gaz UE (version archivée)

Conseil UE 9 septembre (version archivée)

Discours von der Leyen (version archivée)

Propositions Commission (version archivée)

Plan belge (version archivée)

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