Un moteur auxiliaire responsable des émissions de fumée

01.10.2021, 18:49 (CEST)

Une vidéo d’un avion de Japan Airlines émettant d’importantes volutes de fumée blanche, sur le tarmac d’un aéroport, circule sur Facebook. Le message qui l’accompagne affirme qu’il s’agit de chemtrails. (Vidéo et texte sauvegardés)

Évaluation

Il n’est pas question de chemtrails, ces produits chimiques qui selon certaines théories complotistes seraient volontairement répandus dans l’atmosphère en vue de modifier le climat ou encore de contrôler la démographie, dans cette vidéo. Les émissions de fumée blanche sont dues à un dysfonctionnement de l'Auxiliary Power Unit (APU), le moteur auxiliaire de l'avion. Japan Airlines a aussitôt remédié à la situation.

Faits

« Oups ! Un pilote lâche "accidentellement" (?) le chemtrail alors qu’il est à l’aéroport... et démontre ainsi que les épandages de "produits chimiques" en haute atmosphère sont bien réels », écrit l’utilisateur de Facebook.

La vidéo qu’il diffuse circule depuis longtemps sur les réseaux sociaux et a déjà fait l'objet de plusieurs articles de vérification, notamment au Kazakhstan. Elle est chaque fois accompagnée d'allégations sur l’existence de chemtrails.

Sur la queue de l'avion, le logo de Japan Airlines (JAL) est clairement reconnaissable.

Contactée par la dpa, JAL a dans un premier temps déclaré qu'elle ne dispose d’aucun rapport sur l'incident, qui selon la compagnie aérienne n’a rien à voir avec des chemtrails. Pour elle, la preuve en est que le personnel au sol continue apparemment de travailler dans le calme.

Le Japan Transport Safety Board, qui répertorie des incidents ou accidents impliquant des avions, n'a, lui aussi, aucune trace de l’affaire.

Une version de la vidéo, publiée en août 2020, suggère que la cause du dégagement de fumée est due à un incendie dans l'APU. L'APU est un petit moteur, souvent situé dans la queue d'un avion, qui sert à produire de l'électricité quand les réacteurs ne tournent pas.

Cette explication est également donnée par Joris Melkert, spécialiste de l'aviation à la Faculté d’ingénierie aérospatiale de l’Université de Delft aux Pays-Bas (TU Delft). Selon lui, la couleur de la fumée est le signe d’une combustion d'huile, qui peut être restée dans l'APU après une opération de maintenance. Ce phénomène n'est pas exceptionnel et peut expliquer pourquoi le personnel reste calme.

Jan-Arwed Richter, un des responsables du Centre d’information sur la sécurité aérienne (JACDEC) en Allemagne, livre la même interprétation des images à la dpa. Il confirme qu'il arrive souvent que ce type d'avion, un Boeing 777-200, dégage de la fumée lors du démarrage de l'APU.

Joris Melkert ajoute que les avions qui répandent réellement des substances chimiques, tels que les avions pulvérisateurs, fixent leur cargaison sous les ailes de l’appareil, et non dans sa queue, car la portée est alors plus grande.

Interrogé par la dpa, un ancien ingénieur de vol de la Force aérienne belge, Ronny Pauwels, un homme de terrain, l’affirme lui aussi : « Si c'était un nuage chimique, il ne sortirait jamais des moteurs ou de l'APU, mais des ailes. (…) Un nuage comme ça, s'il était chimique, il y aurait des morts. » Il ajoute : « Il y a sûrement quelqu'un qui s'inquiéterait sur le tarmac, s'il y avait eu un problème très grave. »

Benoît Wittock, un commandant de bord (sur Boeing) fraîchement retraité de la compagnie aérienne néerlandaise KLM, abonde dans le même sens : « La vidéo montre un échappement de fumée au niveau de l'échappement de la génératrice électrique de secours d'un Boeing 777, situé dans la queue de cet appareil. Ces génératrices sont utilisées soit au sol afin de fournir l'air conditionné et l'électricité à l'avion lorsque les moteurs ne sont pas encore en marche. L'APU est également utilisé afin de permettre le démarrage d'un des réacteurs au sol lorsque l'avion n'est pas raccordé à des génératrices électriques et pneumatiques extérieures. Cette fumée peut être due à des résidus d'huile au niveau de l'échappement de l'APU, mais vu l'intensité et la durée du phénomène dans cette vidéo je pencherais plutôt à un incendie qui aurait éclaté dans l'APU ».

La vidéo indique le numéro figurant sur la queue de l’appareil : JA8589.

Il apparaît qu’elle a été tournée à l'aéroport de Haneda, près de Tokyo. Des photos (ici et ici) et des vidéos (ici et ici) de la cafétéria d’où elle a été filmée ont été identifiées par la dpa. Le son, en arrière-plan, correspond aux images.

Après avoir comparé les photos satellites de Google Earth et les images du tarmac de l’aéroport, la dpa a pu conclure que la vidéo a dû être filmée entre novembre 2015 et le 3 avril 2016 (date à laquelle la vidéo apparaît en ligne).

Sur base de cette information, la dpa est de nouveau entrée en contact avec Japan Airlines, afin d’obtenir des informations supplémentaires sur l’avion.

Par e-mail, Japan Airlines a finalement reconnu que, selon son service compétent, une fuite d'huile dans l'APU a pu être à l'origine d'un dysfonctionnement du moteur et que l'APU de cet avion a été immédiatement réparé.

Les rumeurs sur l'existence des chemtrails circulent depuis longtemps. Elles ont été démontées à de nombreuses reprises, y compris par la dpa.

Sur son site web, le météorologue belge Frank Deboosere répond à diverses questions et mythes sur les chemtrails.

L’ex-pilote de la KLM Benoît Wittock précise : « La vidéo mentionne le terme "Chemtrail" mais ce terme n'existe pas. Je pense que l’auteur du message veut faire référence aux "Contrails", qui sont en fait ces traces blanches qu’on peut observer quelques mètres derrière les réacteurs des avions qui volent à très haute altitude ( +/- au dessus de 33.000 pieds, soit 10.000 mètres environ). Ces traces sont tout simplement le résultat du réchauffement des cristaux d'eau dans l'atmosphère dû à la chaleur dégagée par l'échappement du réacteur. Ceux-ci apparaissent suivant la teneur d'humidité et la température de l'atmosphère dans la masse d'air. C'est pourquoi on peut parfois voir que ceux-ci disparaissent et apparaissent régulièrement derrière l'avion. »

L’ONG environnementaliste Greenpeace elle-même « n'a, à ce jour, connaissance d'aucune preuve à l'appui de la théorie des chemtrails », souligne-t-elle.

(État des lieux au 01/10/2021)

Liens

Vidéo Facebook (archive)

Message Facebook (archive)

Chemtrails (archive)

Fact-check Kazakhstan (archive)

Website Japan Airlines (archive)

Japan Transport Safety Board (archive)

Youtubevideo août 2020 (archive)

Youtubevideo avril 2016 (archive)

Avion (archive)

APU (archive)

Joris Melkert - TU Delft (archive)

JACDEC (achive)

Haneda (archive)

Cafétéria sur Google Maps (archive)

Cafétéria photo (archive)

Caféteria video 1 (archive)

Caféteria video 2 (archive)

Factcheck dpa (archive)

Frank De Boosere (archive)

Greenpeace (archive)

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