La vaccination permet de ralentir l'évolution des variants

9.9.2021, 14:23 (CEST)

Les vaccinations massives au plus fort d’une épidémie accéléreraient l’évolution des variants, selon un internaute sur Facebook (archivé ici). L’augmentation des anticorps chez les personnes vaccinées rendrait ainsi le virus plus infectieux et le ferait se répliquer à des niveaux plus élevés. La situation liée au Covid-19 perdurerait donc à cause des personnes vaccinées, et non l’inverse, avance l’utilisateur.

Évaluation

C’est faux. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique que la vaccination contre le Covid-19 est justement l'un des moyens de prévenir l’apparition de nouveaux variants. La vaccination permet de freiner l’évolution des variants, a souligné un virologue auprès de la dpa.

Faits

À l’instar de tous les virus, le SARS-CoV-2, qui cause la maladie Covid-19, mute avec le temps. « Lorsqu’un virus circule largement au sein d’une population et qu’il entraîne de nombreuses infections, il est plus susceptible de muter. Plus le virus a la possibilité de se propager, plus il y a de réplications, et plus il y a de chances qu’une mutation intervienne », explique l’OMS sur son site.

Par conséquent, lorsqu’il y a plus de cas et que la transmission s’accélère, la probabilité de voir apparaître « de nouveaux variants dangereux et davantage transmissibles » augmente, ajoute l’agence onusienne.

Rien dans les éclaircissements de l’OMS ne va donc dans le sens de la publication Facebook. Au contraire, l’organisation est d’avis que « l’une des meilleures façons de se prémunir contre les nouveaux variants consiste à continuer d’appliquer les mesures de santé publique éprouvées et à déployer les vaccins ».

En mars 2021 déjà, l’OMS listait une vaccination aussi large et rapide que possible comme l’un des moyens de prévenir l’apparition de nouveaux variants à l’avenir. Elle rappelle par ailleurs que tous les vaccins contre le Covid-19 ayant reçu une autorisation pour une utilisation d’urgence de sa part ont démontré un « haut niveau de protection contre les formes graves de la maladie et les décès ».

Les vaccins et les mutations

L'apparition d'une mutation d’un virus n'est pas chose rare. « Chaque fois qu’un virus se multiplie, il y a un risque d’introduction de mutations (…) Ces mutations sont fréquentes chez les virus parce que leur matériel génétique est multiplié un très grand de fois lors de l’infection d’un individu », explique à la dpa Jean Ruelle, virologue et professeur au Pôle de microbiologie médicale de l’UCL.
« Quand on regarde à l’échelle d’une population ou d’une épidémie, les virus ont un potentiel très élevé de changement et d’évolution, et ce potentiel est d’autant plus élevé qu’il y a d’individus infectés », poursuit-il.

La partie compliquée est lorsque l’on se penche sur la question de la sélection de ces mutations. Dans le cas de l’usage de médicaments contre un virus, « on voit émerger des souches résistantes qui ont la caractéristique de continuer à se multiplier malgré le traitement » indique Jean Ruelle. « Ces souches ou ces variants résistants au traitement ont été sélectionnés par le traitement : en l’absence de traitement, ces virus n’ont aucun avantage par rapport aux autres », résume le professeur en virologie.

C’est le même principe pour l’immunité contre un virus : lors d’une épidémie, une partie de la population infectée va mettre en place une réponse naturelle qui va faire que le virus est appelé à évoluer. Ainsi, « des variants permettant d’échapper à l’immunité existante dans une population vont émerger, l’immunité en place jouant un rôle de pression de sélection de ces variants ».

C’est la suite de ce raisonnement qui est capitale. « On croit parfois à tort que le changement génétique est créé par l’immunité ou par le médicament dans l’exemple précédent, mais ce n’est pas le cas : l’immunité ou le traitement sélectionne un variant particulier qui existait déjà suite à des mutations acquises au cours de sa réplication », développe Jean Ruelle, qui est aussi chercheur à l’Institut de recherche expérimentale et clinique de l’UCL.

Par conséquent, à long terme, le vaccin va en effet sélectionner des variants, « mais beaucoup plus lentement qu’en l’absence de vaccination. Parce que le nombre d’événements de multiplication du virus (moment où les mutations s’opèrent) est infiniment plus faible dans une population vaccinée que dans une population non vaccinée », commente-t-il, ajoutant que les variants les plus répandus sont d’ailleurs apparus dans des régions où le nombre d’infections a été très élevé à un moment donné.

La vaccination permet donc de ralentir les transmissions et les chances de sélection d’un nouveau variant, pas l’inverse. « Plus la couverture vaccinale est importante, plus le nombre de nouveaux cas est rare et plus longtemps il faudra attendre avant de voir émerger un nouveau variant (…) Dans le cas contraire, l’immunité partielle de la population (parce que tout le monde n’aura pas été infecté naturellement par le virus dans un délai court) agit comme agent de sélection de nouveaux variants », souligne Jean Ruelle.

« L’explication du post est donc complètement fausse : la vaccination freine l’évolution » des variants, sans compter les décès qu’elle permet d’éviter, conclut le professeur en virologie.

L’idée que les vaccins contre le Covid-19 sont la cause des variants ou favorisent l’apparition de ceux-ci est très répandue sur les réseaux sociaux, et ont fait l’objet de nombreuses vérifications de la part de plusieurs médias, dont la dpa, la RTBF, LCI ou encore FranceInfo.

Les vaccins et les coronavirus

Pour appuyer l’argumentaire selon lequel « le virus devient plus infectieux et se réplique à des niveaux plus élevés » à cause de la vaccination, l’utilisateur Facebook affirme que c’est ce qu’il s’est produit « dans tous les autres programmes de développement de vaccins contre les coronavirus jamais tentés ».

Pourtant, il existe peu de vaccins contre les coronavirus disponibles sur le marché : ceux qui le sont relèvent du domaine vétérinaire et leur efficacité est relative, selon un article paru sur le site du dictionnaire médical français Vidal. Les connaissances concernant les vaccins contre les coronavirus se sont toutefois récemment enrichies grâces aux travaux menés sur le SARS-CoV et le MERS-CoV. Les approches utilisées avec les vaccins expérimentaux contre le SARS et le MERS, qui ont tous deux précédé le SARS-CoV-2, ont d’ailleurs permis d’accélérer le développement des vaccins contre le Covid-19.

Le SARS-CoV (désormais parfois aussi appelé le SARS-CoV-1), qui provoque le syndrome respiratoire aigu sévère, est apparu en 2002 avant de disparaître en 2004. L’Institut Pasteur avait à l’époque développé un candidat-vaccin pour faire face au virus. Le vaccin n’a toutefois pas pu être expérimenté chez les humains car l’épidémie s’est terminée avant que celui-ci soit prêt. Quant au MERS-CoV apparu en 2012, qui provoque le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, aucun vaccin ou traitement spécifique n’est disponible actuellement, même si des options sont en cours d’études.

La durée de protection des vaccins

L’internaute écrit également que « l'efficacité des vaccins diminue au bout de quelques mois ». Il est vrai que la durée exacte de la protection qu’apportent les vaccins contre le Covid-19 est pour le moment inconnue. Celle-ci est pour l’instant estimée à quelques mois, mais est source d’incertitudes.

Cette question fait notamment l’objet d’études de suivi chez les personnes ayant participé aux essais cliniques. C’est en analysant au fur et à mesure les données provenant de ces études et des campagnes de vaccination que les experts seront en mesure de mieux comprendre la durée de la protection des vaccins, écrit l’Agence européenne des médicaments (EMA). « Cela prendra également en compte la propagation des variantes du virus », précise-t-elle.

Le peu de données disponibles à ce sujet actuellement explique aussi pourquoi le nombre de doses et de rappels nécessaires n’est pas gravé dans le marbre. Ce nombre « sera définitivement connu suivant l’analyse de l’ensemble des données par l’EMA », souligne l’Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé (AFMPS).

« Cette question sera étudiée dans les mois et années suivant la mise sur le marché, comme c’est habituellement le cas pour les nouveaux vaccins, notamment grâce à la poursuite des essais cliniques après octroi de l’AMM (ndlr : autorisation de mise sur le marché) et par des nouvelles études d’efficacité dans la vraie vie », ajoute l’AFMPS. Cela ne change rien au fait que les vaccins ont prouvé offrir une protection contre les formes graves de la maladie et les décès.

(État des lieux au 09/09/2021)

Liens

Publication Facebook (archivé)

L’OMS sur les variants (archivé)

L’OMS sur les variants et l’efficacité des vaccins (archivé)

Au sujet de Jean Ruelle (archivé)

Fact-check dpa

Fact-check RTBF (archivé)

Fact-check LCI (archivé)

Fact-check FranceInfo (archivé)

Au sujet des coronavirus (archivé)

Vidal sur les vaccins contre les coronavirus (archivé)

L’Institut Pasteur sur le SARS-CoV (archivé)

L’OMS sur le MERS-CoV (archivé)

Sur les vaccins contre les coronavirus (archivé)

Article RTBF sur la durée de protection des vaccins (archivé)

Article Ouest-France sur la durée de protections des vaccins (archivé)

L’EMA sur la durée de protection des vaccins (archivé)

Article RTBF sur une possible troisième dose (archivé)

L’AFMPS sur le nombre de doses nécessaires (archivé)

Sur les procédures d’autorisation de mise sur le marché (archivé)

Contactez l'équipe de vérification des faits de la dpa : factcheck-belgium@dpa.com