La mendicité n’est plus une infraction en Belgique

24.8.2021, 16:57 (CEST)

Un internaute publie sur son compte Instagram une vidéo tournée à Bertrix, en Ardenne, assortie de ce commentaire : « Les réfugiés de tout horizon venant de plus en plus chez nous en Belgique faire la manche dans nos gare et autres lieux publics et sans protection du port du masque obligatoire pour tout le monde ! Où est la police et les mesures sanitaires pour ces personnes réfugiés? En plus faire la manche en Belgique c'est strictement interdite (sic). » (Vidéo archivée ; message archivé).

Évaluation

Le message est trompeur. La mendicité n’est plus interdite depuis 1993, en Belgique, même si certaines communes, dont Bertrix ne fait pas partie, font du zèle. Par ailleurs, Bertrix n’impose pas le port du masque, en ville.

Faits

On distingue péniblement, sur la courte vidéo, tournée à la gare ferroviaire de Bertrix, une personne assise, à l’extérieur du bâtiment. Elle est censée « faire la manche », selon l’auteur du message. Impossible de dire, toutefois, si elle porte ou non un masque.

De toute façon, « Bertrix n’impose pas le port du masque en ville », déclare à la dpa Julie Feron, chargée de communication de la commune. C’est la première erreur commise par l’internaute.

Jusqu’au 1er septembre, « toute personne, à l’exception des enfants jusqu’à l’âge de 12 ans accomplis, est tenue de se couvrir la bouche ou le nez avec un masque ou toute autre alternative en tissu lorsqu’il est impossible de garantir le respect des règles de distanciation sociale », indiquent les autorités belges sur le site « Info-coronavirus.be ». Des dérogations à cette obligation sont toutefois prévues.

A partir du 1er septembre, la Wallonie réduira cette contrainte.

« Dès le 1er septembre, le port du masque ne sera plus obligatoire dans les espaces accessibles au public des entreprises, des collectivités publiques ou des associations, ainsi que dans le secteur culturel, festif, sportif, récréatif et événementiel pour les événements et fêtes privées rassemblant moins de 200 personnes à l'intérieur et 400 personnes à l'extérieur, sauf décision contraire de l'autorité locale », précisent les autorités wallonnes sur le site « Wallonie.be ».

Elles ajoutent toutefois que « le port du masque reste obligatoire dans toute une série de situations, notamment dans les transports en commun et les gares, dans les magasins et les centres commerciaux, lors des déplacements dans les établissements Horeca, dans les salons de coiffure et d'esthétique, dans les salles de conférence, les foires commerciales, les auditoriums, les lieux de culte, les palais de justice, les bibliothèques et lors de manifestations. Dans les lieux très fréquentés tels que les rues commerçantes, les marchés annuels et les foires, le port du masque reste obligatoire ».

L’auteur du message sur Instagram commet une deuxième erreur, en affirmant que « faire la manche en Belgique, c’est strictement interdit ».

Ce n’est plus le cas depuis l’adoption d’une loi belge « contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire », le 12 janvier 1993.

Son chapitre VI porte sur « l’abrogation des dispositions législatives relatives à la répression du vagabondage et de la mendicité », datant de 1891.

Dans un mémoire rédigé sur la question en 2017, un étudiant de l’Université catholique de Louvain écrit : « Après des siècles de répressions, la mendicité est une pratique dépénalisée en Belgique par la loi du 12 janvier 1993 (…). Par conséquent, la mendicité devient légale et ne peut plus être qualifiée d’infraction. Néanmoins, à peine le législateur dépénalise-t-il cette pratique qu’aussitôt après, certaines autorités communales cherchent de nouveaux moyens de la réguler. Par exemple, le 26 juin 1995, le Conseil communal de la ville de Bruxelles adopte un règlement interdisant la mendicité sur son territoire. Mais le 8 octobre 1997, le Conseil d’État annule ce dispositif, motivant son arrêt par le constat que la mendicité est une pratique qui ne pose problème qu’à certains endroits (majoritairement dans les lieux commerciaux et de passage où la circulation est importante) et au regard de certaines pratiques telles que la mendicité organisée. Cependant, force est de constater que l’arrêt du Conseil d’État n’a pas empêché la promulgation et la mise en place d’autres règlements communaux limitant la mendicité. De cette manière, de nombreuses villes francophones belges telles que Bruxelles, Charleroi, Liège, Namur, etc. ont toutes récemment adopté de tels dispositifs sans que cela soit à nouveau invalidé juridiquement. »

La Ligue des droits humains s’en inquiète toujours, en Belgique, sur base d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la Suisse.

A Bertrix, ou a été filmée la vidéo, on reste zen.

Le règlement général de police de la zone Semois et Lesse, que la commune a approuvé en 2014, stipule, à son article 29 : « Les personnes se livrant à la mendicité, même sous le couvert de l’offre non professionnelle d’un service quelconque, ne peuvent troubler l’ordre public ni compromettre la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques. Le mendiant ne peut être accompagné d’un animal et il ne peut exhiber aucun objet de nature à intimider les personnes qu’il sollicite. La mendicité est interdite aux mineurs d’âge. Il est interdit aux personnes majeures qui pratiquent la mendicité d’être accompagnées de mineurs d’âge. »

La mendicité n’y est donc pas interdite, comme nulle part en Belgique, selon la loi. Elle est simplement encadrée.

Depuis 2017, « aucun changement n’a été fait concernant la mendicité », confirme Elodie Feron, de la commune de Bertrix.

(État des lieux au 24/08/2021)

Liens

Message et vidéo Instagram (archivés ici et ici)

Info-coronavirus.be (archivé)

Wallonie (archivé)

Loi 1993 (archivé)

Mémoire UCL (archivé)

LDH (archivé)

Bertrix (archivé)

Règlement de police (archivé)

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