Une interprétation erronée d’une ébauche de contrat pour le vaccin de Pfizer

2.8.2021, 12:28 (CEST)

L’utilisation de l’ivermectine dans le traitement du Covid-19 aurait été « empêchée » en raison de clauses « extrêmement contraignantes » figurant dans les contrats signés entre Pfizer et les États qui distribuent le vaccin développé par le géant pharmaceutique. Celles-ci stipuleraient que les contrats ne pourraient pas être annulés « même si un médicament efficace était trouvé pour traiter le Covid-19 », avance un article partagé par un utilisateur Facebook (archivé ici).

Évaluation

Ces allégations se basent sur une ébauche de contrat entre Pfizer et le gouvernement albanais, et non le contrat finalisé. Par ailleurs, ce document ne permet pas de prouver que l’utilisation de l’ivermectine a été bloquée comme traitement du Covid-19. Il n’a pas non plus été scientifiquement démontré que l’ivermectine est efficace contre le Covid-19.

Faits

La publication Facebook relaye un article publié le 28 juillet 2021 sur le site FranceSoir. Celui-ci reprend un document entre Pfizer et les autorités albanaises au sujet du vaccin contre le Covid-19 développé par Pfizer et BioNTech. Seulement, et cela est d’ailleurs mentionné dans l’article, il s’agit d’une ébauche de contrat, pas de la version finale. Il est donc possible que le contrat qui a été signé entre les parties concernées soit différent.

Le document repris dans l’article avait déjà été publié sur un site albanais le 19 janvier 2021. En haut de chaque page, on peut voir la mention « confidentiel ». Le fait que ce document n’ait pas été rendu public via une source officielle le rend difficile à vérifier ou authentifier.

Selon l’article de FranceSoir, ce projet de contrat prouverait que l’utilisation de l’ivermectine contre le Covid-19 a été « empêchée ». La raison serait que les contrats conclus avec Pfizer stipuleraient que ceux-ci ne pourraient pas être annulés « même si un médicament efficace était trouvé pour traiter le Covid-19 ». L’article se base sur un passage figurant à la page 11 du document pour prouver ses dires :

[Traduit de l’anglais] : « L'acheteur reconnaît et accepte que (i) les efforts de Pfizer pour développer et fabriquer le produit sont de nature ambitieuse et sujets à des risques et incertitudes importants, et (ii) le fait que tout autre médicament ou vaccin pour prévenir, traiter ou guérir l'infection au Covid-19 est développé avec succès ou se voit accorder une autorisation avant l'octroi de l'autorisation pour le produit ne doit pas changer la situation actuelle des besoins urgents de prévention de la propagation de l'infection au Covid-19 qui pose des menaces graves et des effets néfastes sur la vie et la santé du public. »

Dire que l'utilisation de l’ivermectine – mot qui n'apparaît d’ailleurs nulle part dans le document – a été « empêchée » à partir de ce texte est une conclusion plus que hâtive. Rien dans cette ébauche de contrat entre Pfizer et l’Albanie ne permet de prouver une telle affirmation. Ce que le texte dit, c’est que même si d'autres vaccins ou médicaments sont approuvés avant la mise sur le marché de celui de Pfizer, cela ne change rien aux conditions de l'époque – soit le 6 janvier 2021 selon le document, date à laquelle l'Albanie n'avait pas encore débuté sa campagne de vaccination. Les conditions de résiliation sont inclues à la page 24 du projet de contrat.

Qualifier l’ivermectine de médicament efficace contre le Covid-19 est également prématuré. L’utilisation de l'ivermectine dans le traitement du Covid-19 reste pour le moment controversée, en raison d’un manque de données concluantes quant à son efficacité. Une étude très citée soutenant l’utilisation de l’ivermectine dans ce cadre a récemment été retirée en raison de préoccupations éthiques et d'irrégularités dans les données. L'Agence européenne des médicaments (EMA) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) déconseillent toutes deux l'utilisation de l'ivermectine en dehors des essais cliniques, dans l’attente de données supplémentaires.

Le besoin pressant de vaccins contre le Covid-19 au début de l'année a certes mis les géants pharmaceutiques comme Pfizer en position de force. Par conséquent, il n’est pas étonnant que ces derniers aient pu négocier des clauses exigeantes jouant en leur faveur. Toutefois, conclure que l’utilisation de l’ivermectine contre le Covid-19 a été bloquée sur base du document ci-dessus est infondé.

Bien que les contrats signés entre les compagnies pharmaceutiques et les différents États au sujet des vaccins contre le Covid-19 soient rarement rendus publics, certains peuvent être consultés sur le site de l’ONG anticorruption Transparency International. On y retrouve d’ailleurs le projet de contrat entre Pfizer et l’Albanie. En mai 2021, l’ONG avait publié un rapport soulignant le manque de transparence des contrats liés à l’approvisionnement des vaccins anti-Covid.

Liens

Publication Facebook (archivé)

Article trompeur (archivé)

Projet de contrat entre Pfizer et l’Albanie (archivé)

Site albanais (archivé)

Campagne de vaccination en Albanie (archivé)

Rétractation étude ivermectine (archivé)

L’EMA sur l’ivermectine (archivé)

L’OMS sur l’ivermectine (archivé)

Aperçu des contrats pour les vaccins Covid-19 (archivé)

Rapport Transparency International (archivé)

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