Un enregistrement dont l’authenticité n’est pas avérée sur le vaccin Moderna
1.7.2021, 17:22 (CEST)
Moderna aurait reconnu que les personnes qui reçoivent le vaccin contre le Covid-19 développé par la société américaine sont des cobayes, partage un utilisateur sur Facebook, en s’appuyant sur une vidéo dans laquelle un supposé représentant de Moderna admettrait que tous les vaccinés font partie d’un essai clinique, et donc d’une « expérimentation ». (Version archivée)
Évaluation
A l’instar des autres vaccins contre le Covid-19, celui de Moderna a été soumis à des tests rigoureux avant d’être administré à grande échelle. Même si le vaccin a fait l’objet d’une autorisation d’urgence, notamment aux États-Unis, et que les dernières phases d’essais cliniques sont toujours en cours, cela ne signifie pas que la population est utilisée comme cobaye. Par ailleurs, il n’existe aucune preuve démontrant que la personne présentée dans la vidéo comme un représentant de Moderna est bel et bien un employé de la compagnie.
Faits
La vidéo (archivée) sur laquelle se base l’internaute – également partagée ici – est un extrait issu d’une émission américaine, le « Stew Peters Show », publiée le 22 juin 2021 sur le site du média conservateur Red Voice Media. Dans la vidéo, l’animateur Stew Peters présente l’enregistrement d’un appel téléphonique entre un prétendu représentant de Moderna et une femme qui aurait développé une grave maladie auto-immune après avoir reçu le vaccin. Un neurologue aurait confirmé qu'il s'agissait d'une réaction à la vaccination, continue l'animateur.
Dans son introduction, Stew Peters affirme que lors de cet appel, le représentant supposé de Moderna admet que toutes les personnes vaccinées « font partie d’un essai clinique, d’une expérimentation ».
Premièrement, rien ne prouve que la personne annoncée comme un représentant de Moderna, qui dit s’appeler Gilbert, soit bel et bien un employé de la société de biotechnologies américaine.
L’enregistrement est en effet interrompu à des moments clés. Dans la vidéo, on entend d’abord le menu du service client de Moderna (que la dpa a vérifié en appelant le call center), avant que Stew Peters ne reprenne la parole pour expliquer que l’appel a été coupé et qu’un représentant a rappelé la femme qui tentait de contacter la compagnie pour signaler son cas. L’enregistrement téléphonique reprend ensuite au début de l’entretien entre ces deux personnes, sans signe reconnaissable qu’on a bien affaire à un membre du service client de Moderna. Peu après, lorsque le représentant présumé demande le numéro de la carte de vaccination de la dame ayant téléphoné, l’appel est de nouveau interrompu par une intervention de Stew Peters et reprend plus tard.
Deuxièmement, l’affirmation selon laquelle les personnes qui reçoivent actuellement le vaccin Moderna seraient utilisées comme cobayes ou feraient partie d’un essai clinique est injustifiée. Au cours de l’appel téléphonique, le représentant supposé de Moderna explique que les essais cliniques de la phase 3 sont toujours en cours. La femme vaccinée demande alors si « tous ceux qui reçoivent le vaccin en ce moment participent donc à l'essai clinique », ce à quoi son interlocuteur répond « à peu près, oui ».
Les trois phases d’essais cliniques standards ont été entamées pour le vaccin Moderna. Sur le site de la société, on peut voir qu’une « évaluation de suivi des sujets » est en cours pour la phase 1, tandis qu’une « évaluation de l’étude » est en cours pour les phases 2 et 3. Moderna y indique notamment que les participants de l’essai en phase 3 feront l’objet d’une « surveillance continue » s’étalant jusqu’à deux ans. Les détails des différents essais cliniques, ainsi que leur statut, peuvent également être consultés sur le site américain ClinicalTrials.gov (pour les phase 1, phase 2 et phase 3).
L’ensemble des vaccins contre le Covid-19 ont été soumis à une procédure accélérée en raison de l’urgence générée par la pandémie. Par exemple, les différentes étapes de développement ont pu être menées en parallèle, plutôt que de manière successive. Les exigences de sécurité pour les vaccins contre le Covid-19 restent cependant les mêmes que pour tout autre vaccin autorisé dans l'Union européenne, souligne l’Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé (AFMPS).
Il en va de même pour les États-Unis. Le vaccin Moderna a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine via une autorisation d’utilisation d’urgence le 18 décembre 2020. Avant cela, Moderna avait déjà publié de nombreuses données issues des essais cliniques, entre autres les résultats intermédiaires de la phase 1 le 14 juillet 2020, ainsi que la première analyse intermédiaire et l’analyse d'efficacité primaire de la phase 3, respectivement les 16 et 30 novembre 2020. Dans cette dernière publication, Moderna faisait déjà état d’une efficacité de 94,1% de son vaccin contre le Covid-19.
C’est donc sur la base des données disponibles à l’époque, issues d’essais cliniques menés sur des dizaines de milliers de participants, que la FDA a déterminé que le vaccin Moderna se montrait efficace pour prévenir le Covid-19, et que les avantages l’emportaient sur les risques. Moderna a également soumis un plan de pharmacovigilance pour surveiller la sécurité du vaccin, en effectuant notamment un suivi sur le long terme des participants aux essais cliniques – et non des personnes se faisant vacciner en dehors de ces essais, bien que toute réaction potentielle soit signalée et étudiée. Des données supplémentaires sur l'efficacité du vaccin seront aussi générées à partir du suivi ultérieur des participants aux essais cliniques, explique la FDA.
Par ailleurs, une autre partie de l’appel téléphonique diffusé dans le « Stew Peters Show » est mal interprétée. Le représentant supposé de Moderna indique que les résultats de l’étude de la phase 3 en cours montrent qu’aucun des participants ayant reçu le vaccin n’a développé une forme d’infection grave du Covid-19, tandis que 30 cas sévères ont été recensés chez les personnes ayant reçu le placebo. « Donc seulement 30 personnes ont eu ce placebo ? », s’étonne l’interlocutrice. « Dans la phase 3, oui », répond le représentant.
Cette dernière affirmation est pourtant fausse. Comme on peut le voir dans les résultats primaires d’efficacité de l’étude de la phase 3, publiée dans la revue médicale américaine The New England Journal of Medicine le 30 décembre 2020, l’essai clinique a rassemblé 30.420 volontaires divisés au hasard en deux groupes. Un groupe a reçu le vaccin, l’autre un placebo. Ce qui veut dire que le placebo a été administré à 15.210 participants, et non à 30. Le développement d’une forme grave de la maladie est intervenu chez 30 personnes, appartenant toutes au groupe placebo.
Sollicitée par la dpa, Moderna n’a pas encore fourni de réaction aux commentaires formulés dans le « Stew Peters Show ».
L’émission de Stew Peters a déjà fait l’objet le 21 juin 2021 d’un fact-check par USA Today, cette fois au sujet de fausses allégations selon lesquelles les vaccins contre le Covid-19 seraient magnétiques.
Liens
Publication Facebook n°1 (archivé)
Publication Rumble (archivé - vidéo archivée)
Publication Facebook n°2 (archivé)
Essais cliniques Moderna (archivé)
AFMPS développement vaccins (archivé)
Autorisation d’utilisation d’urgence FDA (archivé)
Résultats intermédiaires phase 1 (archivé)
Analyse intermédiaire phase 3 (archivé)
Analyse primaire d'efficacité phase 3 (archivé)
Au sujet du vaccin Moderna FDA (archivé)
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