Les malades asymptomatiques atteints du COVID-19 peuvent transmettre le virus
3.12.2020, 18:05 (CET)
Apparemment, les patients du COVID-19 sans symptômes, appelés aussi asymptomatiques, ne seraient pas contagieux. C'est en tout cas ce qu'affirme une publication du groupe Facebook « Transparence-Coronavirus ». Cette théorie s'appuierait sur une étude réalisée à Wuhan. Le post tire une conclusion quant à ces recherches : « Dans la présente étude, la culture du virus a été réalisée sur des échantillons de cas positifs asymptomatiques, et n'a trouvé aucun virus SRAS-CoV-2 viable. Tous les contacts étroits des cas positifs asymptomatiques se sont révélés négatifs, ce qui indique que les cas positifs asymptomatiques détectés dans cette étude étaient peu susceptibles d'être infectieux ». (Publication archivée)
ÉVALUATION : L'étude est juste, mais l'interprétation qu'en fait la publication Facebook est fausse. Certains patients asymptomatiques peuvent être très contagieux.
FAITS :
UNE QUESTION D'INTERPRÉTATION : L'étude publiée sur le site de Nature.com peut être considérée comme fiable. Chercheurs et scientifiques de tout ordre considèrent la revue scientifique comme prestigieuse et digne de confiance.
Cependant, tout réside dans l'interprétation. Comme l'explique Jean Ruelle, virologue et chercheur qualifié à l'UCLouvain, l'étude publiée par nature.com ne dit pas que la transmission à partir de cas asymptomatiques n'existe pas. Pour comprendre, il faut remettre l'étude dans son contexte. Elle a été menée à Wuhan à la suite du confinement, alors qu'aucun malade ne pouvait être détecté sur près de 10 millions de personnes. Aucun malade ne veut pas dire aucune personne infectée par le virus.
Ce que l'étude démontre, c'est que les prélèvements faits sur des cas asymptomatiques ne pouvaient être cultivés, ce qui signifie que soit la charge virale présente dans le prélèvement est faible, soit qu’il y a encore des résidus de particules virales non infectieux, mais pas de virus actifs, soit il s’agit d’un faux positif PCR SARS-CoV-2. Par conséquent, on peut en déduire qu'il y a peu de chance que la personne, dont le prélèvement est issu, puisse contaminer d'autres gens. « Petit détail technique néanmoins (...) », ajoute Jean Ruelle, « tous les échantillons non-cultivables n'appartiennent pas pour autant à des patients non-contagieux, car il faut une charge très élevée pour arriver à cultiver les virus ». Cette observation, Jean Ruelle la tient de propres expériences vécues en laboratoire.
DIFFÉRENTS SCÉNARIOS : Jean Vanderpas, médecin biologiste retraité et épidémiologiste spécialisé en santé publique, explique qu'il existe plusieurs situations dans lesquelles un patient PCR SARS-CoV-2 peut être testé positif sans présenter de symptômes.
Tout d'abord, une marge d'erreur existe avec les tests PCR. Ses détracteurs critiquent vivement le fait que le test PCR peut engendrer des résultats dits faux-positifs. L'étude met en exergue cette hypothèse en effectuant une double analyse, incluant des PCR positifs qui débouchent sur des cultures virales SARS-Cov-2 négatives. Jean Vanderpas explique : « Comme toute analyse de biologie clinique, un test PCR SARS-CoV-2 positif peut être faussement positif. Dans ce cas, le test de culture virale SARS-CoV-2 qui détecte des virus infectants est négatif ».
C'est d'ailleurs ce que l'étude met en avant, en effectuant une double analyse. L'hypothèse de résultats faux-positifs n'est donc pas à exclure. Le spécialiste ne remet cependant pas en cause l'efficacité des tests PCR : « Il y aurait donc 0,3 pour 10.000 faux-positif, ce qui correspond à une spécificité supérieure à 99,99% ; et donc, ces réactifs PCR SARS-CoV-2 sont à considérer comme excellents en termes de spécificité ».
Comme il n'y a pas de confirmation par culture virale, il est également difficile de caractériser les personnes testées au préalable positives par PCR, comme asymptomatiques.
Si la personne testée est, en effet, infectée par le virus, il peut s'agir de trois subdivisions : pré-symptomatique, asymptomatique véritable ou malade guéri.
Une personne asymptomatique est infectée par le SARS-CoV-2, mais ne développe pas la maladie COVID-19 ultérieurement. Le risque de transmission est ici environ deux fois moindre que celui des malades COVID-19. Une patiente pré-symptomatique n'aura pas de symptomes au moment des tests, mais développera une maladie COVID-19 dans les 3, 4 jours suivants. Les pré-symptomatiques sont déjà très contagieux en fin de période d’incubation.
Une autre catégorie de personnes pouvant apparaitre positives au test PCR au coronavirus mais engendrant des culture virales négatives sont les patients atteints du COVID-19 après l’épisode symptomatique de la maladie. Le virologue Jean Ruelle explique que ceux-ci « continuent à avoir des tests positifs, mais faiblement positifs, pour une longue durée de plusieurs semaines ». Ceci peut aller de trois ou quatre semaines après la résolution de leurs symptômes, jusqu’à 12 semaines (83 jours) après le début de leurs symptômes, précise Jean Vanderpas. Il précise que ces patients ne sont pas contagieux et ne doivent pas être placés en quarantaine.
Pour terminer, Jean Vanderpas note qu'il ne peut pas s'agir de dizaines de cas asymptomatiques avérés. « Il serait tout à fait surprenant de n’avoir aucune maladie COVID-19 déclarée en termes cliniques : la proportion des asymptomatiques sur l’ensemble des patients infectés par le SARS-CoV-2 ne dépasse pas 50% dans les études avec les proportions les plus élevées, et généralement, il y a moins de 20% d’asymptomatiques sur l’ensemble des infectés SARS-CoV-2, les 80% autres développant une maladie COVID-19 ».
L'ÉTUDE COMPLÉMENTAIRE : Une autre étude publiée cette fois-ci par le National Center for Biotechnology Information (30.11.2020) complète les observations faites dans l'étude citée ci-dessus.
Les virologues interrogés par l'agence dpa ont déduit de la première étude que certains patients testés positifs mais ne disposant pas de symptômes n'étaient pas contagieux. À cela, s'ajoute l'information selon laquelle toutes les personnes positives sans symptômes n'ont pas obligatoirement cette faible charge virale.
La seconde étude démontre que certaines personnes asymptomatiques peuvent également avoir des charges virales très élevées dans leur organisme. Jean Ruelle explique que cette étude a été menée auprès d'une population chinoise comparable à celle de Wuhan : celle-ci estime « que 3/4 des infections se déroulent à partir de personnes asymptomatiques ou pré-symptomatiques! », ajoute-t-il.
La source sur laquelle se base la publication Facebook est donc valide. Les interprétations faites par l'utilisateur, elles, ne le sont pas.
L'observation selon laquelle, la culture du virus « n'a trouvé aucun virus SRAS-CoV-2 viable » ne permet pas de conclure qu'il s'agissait d'échantillons de cas positifs de véritables asymptomatiques. « Cela permet d’envisager que les tests PCR SARS-CoV-2 étaient de faux-positifs, et leur fréquence, vu le nombre de tests réalisés, est compatible avec des tests de très bonne qualité (spécificité >;;;;;;;;;;;;;;;;;;;; 99,5%) », commente l'épidémiologiste Jean Vanderpas.
Ce qu'on peut retenir, c'est que les deux études sur la transmission du virus SARS-CoV-2 ci-dessus ne se contredisent pas, elles se complètent : certaines personnes sans symptôme ne risquent pas de transmettre le virus, tout comme certaines peuvent être hautement contagieuses.
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Liens :
Publication Facebook :
https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=175078067667836&id=108553127653664 (archive : http://dpaq.de/GkxgN)
À propos de Jean Ruelle : https://uclouvain.be/en/research-institutes/irec/jean-ruelle-pi.html(archive : http://dpaq.de/pSvox)
À propos de Jean Vanderpas : https://www.linkedin.com/in/jean-vanderpas-577b5b18/?originalSubdomain=be et https://www.sciensano.be/en/people/jean-vanderpas/biblio
Étude publiée dans la publication Facebook : https://www.nature.com/articles/s41467-020-19802-w?fbclid=IwAR1E9o2Byf3ha6V9DEgnIjjUHTZqDMm2UVPMHTbaC9Bd8EOgyK0xoIlJ7UA (archive : https://archive.ph/ICffo)
Étude sur les risques de contamination par des personnes asymptomatiques - National Center for Biotechnology Information : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33257893/(archive : http://dpaq.de/pxjat)
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